Nithard

prêtre et chroniqueur français

Nithard (vers 800 - † 844 / 845 ou 858 / 859), petit-fils de Charlemagne, est un chroniqueur franc. Il a retranscrit par écrit les Serments de Strasbourg en langue romane marquant ainsi « l'acte de naissance de la langue française »[1],[2],[3].

Nithard de Ponthieu
Nom de naissance Affilié aux Pippinides par sa mère Berthe
Naissance Vers 800
Décès

844 / 845 / entre 857 et 859

  • Hypothèse 1 : près d'Angoulème
  • Hypothèse 2 : sur les côtes de Picardie
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Latin
Genres
Chroniques

Œuvres principales

Histoire des fils de Louis le Pieux (842-843)

Compléments

Œuvre commandée par le roi Charles le Chauve
retranscription par écrit des Serments de Strasbourg en langue romane

Biographie

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Le petit-fils de Charlemagne

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Nithard est le fils de Berthe, fille de Charlemagne, et d'Angilbert[4], proche conseiller de Charlemagne et de son fils Pépin d'Italie. Il eut un frère, Hartnid. Il semble que les enfants d'Angilbert et de Berthe soient nés hors mariage car Charlemagne s'opposait au mariage de ses filles[5],[6].

Nithard était donc le petit-fils de Charlemagne, le neveu de l'empereur Louis le Pieux et le cousin germain de ses trois fils Lothaire, Louis II de Germanie et Charles II le Chauve.

Il fut, de ce fait, un membre important de l'aristocratie carolingienne et, à ce titre, prit part aux décisions, remplit plusieurs missions importantes et fut le témoin des querelles qui opposaient à la cour impériale les trois héritiers de Louis le Pieux.

Il fut un des conseillers de Charles II le Chauve après le partage de l'empire carolingien. Bien que laïc, il fut comme son père abbé de l'Abbaye de Saint-Riquier[4].

 
 
 
 
 
 
Charlemagne
 
 
 
 
 
Hildegarde de Vintzgau
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Angilbert
 
 
 
Berthe
 
 
 
 
 
Louis le Pieux
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Hartnid
 
Nithard
 
 
Lothaire
 
Louis II de Germanie
 
Charles II le Chauve
 
 
 
 
 
 

Carrière politique et militaire

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Nithard fut nommé, comme son père Angilbert, comte de Ponthieu en 814. Son autorité s'étendait sur le territoire compris entre le cours de la Somme au Sud et le cours de la Canche au nord. Sa mission était de défendre le littoral et l'arrière-pays des incursions Vikings qui s'intensifiaient à cette époque.

Il accéda à une date incertaine à la charge d'abbé (abbé laïc), de l'Abbaye de Saint-Riquier comme son père avant lui[7].

Ce fut l'un des principaux conseillers du jeune Charles le Chauve, pour qui il accomplit des missions diplomatiques.

Il fut également un homme de guerre, qui prit part aux guerres entre Charles le Chauve et Lothaire Ier : à la bataille de Fontenoy en 841, il commanda avec succès une aile de l’armée[8].

La mort de Nithard

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La date de sa mort est sujette à plusieurs hypothèses de la part des historiens spécialisés. Selon Joseph Calmette, Nithard aurait été tué durant une bataille opposant Charles le Chauve à Pépin II d'Aquitaine le [9] près d'Angoulême. Hypothèse reprise par G. Bührer-Thierry et Ch. Mériaux[10]. D'autres historiens avancent la date du dans une bataille contre les Vikings[11]. Une autre hypothèse replace la mort de Nithard à l'année 858-859 en luttant contre les Vikings lors de leurs ravages en Neustrie et en Amiénois[12],[13].

Les causes de sa mort sont par contre certaines. Son crâne porte les stigmates d'un coup de hache mortel porté lors d'un combat[14].

La redécouverte des ossements ?

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D’après la Chronique de l'abbaye de Saint-Riquier d’Hariulf, il a été enseveli dans un sarcophage à Saint-Riquier aux côtés de son père. Leurs ossements sont retrouvés dans ce sarcophage en pierre d'Asnières sous le portail de l'abbatiale, lors de fouilles de sauvetage dirigées par le professeur Honoré Bernard, en [14]. Au XIe siècle, à l'occasion de fouilles organisées par l'abbé de Saint-Riquier Gervin, qui recherchait le tombeau d'Angilbert, la dépouille de Nithard fut redécouverte sous le portique de l'église[15]. Un des moines, un certain Mico, inscrivit une longue épitaphe sur son tombeau[16].

Les ossements supposés de Nithard, découverts en 1989 sur le parvis de l'abbatiale de Saint-Riquier, furent confiés à un anthropologue puis égarés pendant plusieurs années. Ils furent retrouvés à l'automne 2011 dans un carton entreposé dans les combles de l'abbaye[17]. Après leur consolidation au Centre archéologique départemental de Ribemont-sur-Ancre, le président du Conseil général de la Somme les a restitués à la commune de Saint-Riquier, le [18]. L'identification reposait principalement sur une entaille observée sur le crâne, mais cet indice ne constituait pas une réelle démonstration.

En 2017, des analyses de datation de ces ossements furent réalisées. Elles mirent en évidence le fait que ces ossements ne pouvaient être ceux de Nithard[Note 1], comme le confirma la direction régionale des affaires culturelles[19].

Il fut l'un des rares historiens de son époque, avec Éginhard, qui ne soit pas homme d'Église. À la demande de Charles II le Chauve, il entreprit en 841 de « fixer par écrit, pour la postérité, le récit des événements de son temps » par son Histoire des fils de Louis le Pieux en latin, en quatre livres, qui vont de la mort de Charlemagne en 814 jusqu’en 843.

Il y traite d'événements dont il a été témoin oculaire et participant. Son œuvre tend à justifier la politique de Charles le Chauve qui n’avait, selon lui, aucune responsabilité dans les troubles de l’époque, qui résultaient des faiblesses de Louis le Pieux et des machinations de Lothaire Ier.

  • Le premier livre fait un éloge de Charlemagne, puis décrit l’impuissance de Louis le Pieux à maintenir l’empire ;
  • Le second livre raconte les luttes ouvertes entre les trois frères et s’achève sur la Bataille de Fontenoy-en-Puisaye, en 841, victoire pour Louis le Germanique et Charles le Chauve, contre leur frère Lothaire Ier ;
  • Le troisième et le quatrième livres sont consacrés aux manœuvres diplomatiques après la bataille de Fontenoy-en-Puisaye, jusqu’aux préliminaires du traité de Verdun où Nithard joua un rôle important. C’est dans le troisième livre que Nithard transcrit les serments de Strasbourg, échangés le entre ses cousins germains Louis et Charles, tous deux fils de Louis le Pieux, qui constituent le plus ancien exemple connu d'écrit en langue romane (les prémices de la langue d'oïl).

Selon Karl Ferdinand Werner, son Histoire des fils de Louis le Pieux a la valeur de véritables Mémoires politiques[20].

Pour approfondir

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Bibliographie

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  • Dominique Alibert, « Nithard (fin VIIIe siècle - 845) », dans Christian Amalvi (dir.), Dictionnaire biographique des historiens français et francophones : de Grégoire de Tours à Georges Duby, Paris, La Boutique de l'histoire, , 286 p. (ISBN 2-910828-32-8), p. 238-239.
  • Franz Brunhölzl, Histoire de la littérature latine du Moyen Âge. Tome 1, vol. 2, L’Époque carolingienne, Brepols, 1991, p. 152-155.
  • Robert Bossuat et Françoise Gasparri, « Nithard », in Robert Bossuat, Louis Pichard et Guy Raynaud de Lage (dir.), Dictionnaire des lettres françaises, t. 1 : Moyen Âge, éd. entièrement revue et mise à jour sous la dir. de Geneviève Hasenohr et Michel Zink, Paris, Fayard, 1992, p. 1105-1107.
  • Bernard Cerquiglini, L'invention de Nithard, Les Éditions de Minuit, 2018, 128 p. (ISBN 978-2-7073-4469-4).
  • Hariulf, Chronique de l'abbaye de Saint-Riquier (Ve siècle - 1104).
  • Pascal Quignard, Les Larmes, roman, Grasset, 2016.

Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. On ignore d'identité de la personne dont les ossements furent retrouvés.

Références

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  1. Moyen Âge : l'affirmation des langues vulgaires, Encyclopædia universalis.
  2. Bernard Cerquiglini, La naissance du français, Paris, Presses universitaires de France, 1991, Que-sais-je ? ; 3e éd. mise à jour, 2007.
  3. Conférence de Claude Hagège au Musée historique de la ville de Strasbourg, p. 5, (lire en ligne).
  4. a et b Dominique Alibert, « Nithard (fin VIIIe siècle - 845) », dans Christian Amalvi (dir.), Dictionnaire biographique des historiens français et francophones : de Grégoire de Tours à Georges Duby, Paris, La Boutique de l'histoire, , 286 p. (ISBN 2-910828-32-8), p. 238-239.
  5. Bernard Cerquiglini, L'invention de Nithard, Paris, Minuit, 2018.
  6. (la) Foundation for Merovingian Nobility : Angilbert.
  7. Nithard, La naissance du royaume de France (829-842). Texte traduit du latin par M. Guizot et R. Fougère, paléo, Clermont-Ferrand, 2002, page 5).
  8. Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, paleo, Clermont-Ferrand, 2002, pages 66-71.
  9. Joseph Calmette, Le monde féodal, 1934, p. 142.
  10. Bührer-Thierry G., Mériaux Ch., La France avant la France (481-888), Belin, 2010, pages 375-376.
  11. Page 1091 dans Dictionnaire des Biographies (1958). Publié sous la direction de Pierre Grimal.
  12. Brève biographie de Nithard sur le site de la BNF Nithard (IXe s.).
  13. Société des antiquaires de Picardie, Mémoires. Documents inédits concernant la province de Picardie, 1880, p. 242.
  14. a et b « Remise des ossements de Nithard à la commune de Saint-Riquier : le retour d'un acteur majeur de l'histoire dans une Abbaye pleine de projets ! », sur www.proxinews.com (consulté le ).
  15. Nithard, La naissance du royaume de France (829-842). Texte traduit du latin par M. Guizot et R. Fougère, paléo, Clermont-Ferrand, 2002, pages 5-6.
  16. « Les principaux acteurs de la Renaissance carolingienne », sur BnF Essentiels (consulté le ).
  17. Récit d'Anne Potié, directrice de l'abbaye, France Culture, Un crâne fendu et quelques lignes pour la postérité : dernières nouvelles de Nithard, La Fabrique de l'Histoire, 23 février 2016, écoutée le 10 septembre 2017. Voir aussi Le jour où j'ai retrouvé le petit-fils de Charlemagne, La Voix du Nord, 10 juillet 2016.
  18. « Le retour du petit-fils de Charlemagne », sur www.somme.fr (consulté le ).
  19. « Saint-Riquier : les ossements n'étaient pas ceux du petit-fils de Charlemagne / Le Journal d'Abbeville », sur actu.fr, (consulté le ).
  20. Karl Ferdinand Werner, Naissance de la noblesse, éd. Pluriel, 2012, p. 679.