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Jean de la Croix

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Jean de la Croix
Image illustrative de l’article Jean de la Croix
Saint, Docteur de l'Église
Ordre religieux Ordre du Carmel et ordre des Carmes déchaux
Attributs Déclaré « Docteur mystique » et « Docteur de la théologie spirituelle » par Pie XI en 1926

Juan de Yepes Álvarez, devenu Jean de la Croix en religion (en espagnol : Juan de la Cruz), né à Fontiveros le et mort au couvent d'Ubeda le , est un saint et mystique espagnol. Il est souvent appelé le « Saint du Carmel ».

Né dans une famille aristocrate espagnole, il fait ses études et devient carme. Voulant consacrer sa vie en devenant Chartreux, il fait la rencontre de Thérèse d'Avila, réformatrice de l'Ordre du Carmel, qui lui demande de prendre en charge l'ordre masculin du carmel, ce qu'il accepte. Il fonde l'ordre des Carmes déchaussés. Il accompagne spirituellement les sœurs de l'Ordre du Carmel, avant d'être enfermé par les autorités de ce même ordre, qui refusent sa réforme. Jean de la Croix développe alors une forte expérience mystique, connue comme celle de la « nuit obscure » (Noche oscura), qu'il décrit et développe tout au long de sa vie à travers des traités tels : La montée du Carmel (Subida del Monte Carmelo), La nuit obscure (Noche oscura), La vive flamme d'amour (Llama de amor viva), ou encore Le Cantique spirituel (Cántico espiritual), dans lesquels il cherche à décrire le chemin des âmes vers Dieu. Après avoir été nommé prieur de divers couvents de carmes déchaussés, il est à la fin de sa vie mis au ban de sa communauté, et meurt en décembre 1591.

Après sa mort, il est très vite considéré comme un saint et l'un des plus grands mystiques espagnols, au même titre que Thérèse d'Ávila. L'Église catholique le béatifie en 1675 puis le canonise en 1726. Il est fêté le 14 décembre. Les querelles sur l'illuminisme conduisent cependant à remettre en cause ses écrits, mais c'est la reconnaissance de ses témoignages par Thérèse de Lisieux qui contribue à promouvoir l'importance de sa doctrine ; il est alors proclamé « docteur de l'Église » entre les deux guerres mondiales, le .

La richesse de sa poésie conduit à en faire l'un des plus grands poètes espagnols, et certains philosophes s'appuient sur ses écrits afin de conceptualiser le détachement. Il est depuis 1952 le saint patron des poètes espagnols.

Biographie

Enfance et études

Statue de Jean de la Croix au musée diocésain de Valladolid, en Espagne

Gonzalo de Yepes et Catalina Álvarez se marient et ont déjà un premier fils, François, lorsque naît Jean en 1542 à Fontiveros Vieille-Castille[Note 1],[A 1]. Son père appartient à la noblesse espagnole, il est chevalier, mais il a été déshérité par sa famille du fait de son mariage avec Catalina Álvarez[A 1],[B 1],[C 1]. La famille vit alors du tissage, mais la situation économique est difficile d'autant que la famine sévit[B 2]. Son père, Gonzalo, meurt en 1545, suivi de son frère Luis qui meurt en 1547[A 1]. Ces décès affectent beaucoup le jeune Jean, et le marquent toute sa vie durant[C 1]. Le reste de la famille connaît alors l’exclusion, l’errance et la misère. Le manque d'argent conduit Catalina à confier Francisco, le frère aîné, à un oncle pendant un an avant de le récupérer en raison des maltraitances qu'il subit[B 3],[C 2].

À l'âge de cinq ans, Jean est envoyé à l'école[B 4]. Il y aurait fait une expérience qui est souvent raconté : tombé dans une lagune, et commençant à se noyer, il y « vit une dame très belle qui lui demandait sa main et lui tendait la sienne, et lui qui ne voulait pas la donner pour ne pas salir celle de la dame, et, à cet instant critique, arriva un laboureur qui, avec une perche, le sortit de là »[B 4]. Les hagiographes voient dans la dame, la Vierge Marie[B 4].

En 1548, face à la famine et la sécheresse régnant à Fontiveros, la famille décide de s'installer à Arévalo[C 2]. Francisco, le frère aîné, commence alors à avoir de mauvaises fréquentations, avant de rencontrer sa future femme, Ana[B 5]. Francisco décide de venir en aide aux pauvres de la ville, qu'il amène chez lui en hiver et, très vite, Jean découvre l'aide et le soin aux pauvres[B 5]. Tout au long de sa vie, Jean garde une profonde amitié pour son frère dont il est l'un des rares confidents et à qui il se confie parfois[C 3],[Note 2].

La situation familiale ne s'améliore pas, et Catalina décide, pour survivre, de déménager encore, cette fois-ci à Medina del Campo, où elle trouve du travail comme tisserande. Dans un état de grande pauvreté, ils s'installent tous ensemble : Catalina, Francisco et sa femme Ana, ainsi que Jean, dans une maison[B 6],[C 3].

Jean étudie au collège de la Doctrine, tenu par des frères de la Doctrine, où il est parrainé par Rodrigo de Duenas. Il y apprend à lire, écrire, compter et prend connaissance de la doctrine chrétienne[B 7],[C 4]. Il peut étudier en échange de services rendus à la paroisse de la Madeleine tels : le nettoyage de l'église, le service comme enfant de chœur, l'aide aux religieuses[B 7],[C 4]. Jean se montre un bon élève. Rodrigo de Duenas exige cependant que les enfants du collège apprennent un métier, permettant ainsi d'aider à subvenir aux besoins de leur famille[B 8]. Jean essaye plusieurs métiers mais il ne se montre pas très habile et doit en changer plusieurs fois ; il est successivement charpentier, tailleur, sculpteur sur bois, puis peintre[A 2],[B 8].

Sa mère l'envoie provisoirement au couvent de la pénitence, où il est servant de messe. Un gentilhomme, Alvarez de Toledo, qui s'est retiré du monde pour s'occuper des pauvres à l'hôpital de Medina del Campo, prend l'adolescent à son service pour aider les indigents et pour être infirmier à l'hôpital[A 2],[B 9],[C 4]. Il obtient une licence pour suivre les cours du collège des jésuites de Medina del Campo, et y apprend la philosophie, la rhétorique, le latin et la grammaire, tout en poursuivant son travail à l’hôpital[A 3],[C 4]. Jean se montre particulièrement doué pour les études[B 10].

Il vit encore chez ses parents, et son frère Francisco. Ana et Francisco ont des enfants, mais aucun ne parvient à survivre, sans doute du fait de la grande pauvreté qui règne. Jean voit mourir deux des enfants de son frère, Ces décès marquent profondément Jean[B 7]. Il continue à se dévouer aux pauvres, cherchant des familles pour les orphelins et aidant les mendiants[B 11].

Entrée au Carmel

À l'âge de 21 ans, Jean termine ses études d'humanités ; il apprend les règles de la prosodie avec le père Bonifacio[A 4]. Sa mère et Alvarez de Toledo décident de faire de lui le prochain chapelain de l'hôpital de Medina et l'envoient poursuivre ses études[A 5]. Cependant Jean de Yepes, qui avait déjà rencontré des carmes à plusieurs reprises, leur demande d'entrer au sein de l'ordre des carmes de Medina del Campo[B 12],[C 5]. Le jeune Jean entre donc au couvent des Carmes de Medina en 1563[A 5],[C 5]. Il prend alors le nom de « Jean de Saint-Matthias », en référence à l'apôtre Matthias[C 5]. Jean de Saint-Matthias découvre La règle de l'Ordre des frères et sœurs de Notre Dame du Mont Carmel ainsi que L'institution des premiers moines, deux œuvres qui fondent la spiritualité de l'ordre du Carmel[C 6]. Il découvre aussi l'importance du renoncement dans la vie contemplative et mène alors une vie ascétique mais aussi de pénitence[B 13],[C 6]. Un an plus tard, il prononce ses vœux perpétuels de pauvreté, d'obéissance, et de chasteté[B 13]. Le supérieur décide de l'envoyer poursuivre ses études au couvent Saint André de Salamanque annexé à l'université de Salamanque, qui est alors l'une des quatre plus grandes universités d'Europe avec Paris, Oxford et Bologne[A 6],[B 14]. L'université de Salamanque, qui a près de six mille étudiants, est l'un des principaux foyers de réflexion d'Europe. De nombreux débats y ont lieu, notamment du fait de l'arrivée de la modernité : la récente découverte et exploration de l'Amérique, la question de la place des pouvoirs du pape face au pouvoir temporel y sont examinées[C 7].

De 1564 à 1568, Jean de Saint-Matthias étudie trois années durant la philosophie et la théologie morale de Thomas d'Aquin, qui devient l'un des ses grands maîtres spirituels[A 6]. Il étudie aussi Aristote, Platon, et les écrits d'Augustin d'Hippone[C 8]. Il continue à vouloir pratiquer une importante vie de pénitence, dormant sans matelas, portant le cilice et passant de nombreuses heures de la nuit en prière[B 15]. Jean de Saint-Matthias se montre un étudiant brillant, et devient préfet des études à Salamanque[A 7],[C 9]. À la fin de ses études, il rédige un mémoire de recherche dans lequel il considère que la pratique du mysticisme conduit à l'illuminisme. Il voit dans le mysticisme une recherche du sensationnel qui conduit à ne pas voir la beauté de la contemplation et donc conduit à l'illuminisme[B 15].

Cependant, Jean de Saint-Matthias a la certitude que Dieu est en lui, au fond de lui-même[A 8],[C 9]. Il veut alors consacrer sa vie à Dieu dans la voie contemplative et il croit que seul l'ordre religieux de la Chartreuse peut lui permettre de réaliser ce dessein[A 7],[B 16]. Il veut alors rentrer à la Chartreuse de Ségovie[A 9]. Ordonné prêtre en octobre 1567, il dit alors sa première messe en présence de sa mère Catherine et d'Alvarez de Toledo, son bienfaiteur[A 9],[B 17],[C 10]. Lors de cette première messe, il affirme avoir eu une grâce spéciale, que la théologie appelle la « confirmation en grâce », c'est-à-dire la certitude qu'il n'offenserait pas Dieu, alors qu'il était très souvent tourmenté par la peur d'offenser gravement Dieu[C 11].

Fondation des carmes déchaussés avec Thérèse d'Avila

Statues représentant Jean de la Croix et Thérèse d'Avila

Au moment où Jean entre dans les ordres, Thérèse d'Avila est en train de réformer celui du Carmel, qui devient le « carmel déchaussé » (le nom « déchaussé » vient du fait que les carmélites ne portent plus de chaussures)[B 18]. Elle souhaite fonder une branche masculine à l'ordre du Carmel, et a obtenu l'autorisation du supérieur des carmes, Rubeo de Ravenna, de la constituer[B 18]. Elle cherche alors des personnes voulant suivre la nouvelle congrégation. Antoine de Heredia accepte d'en faire partie, et Thérèse d'Avila lui demande de patienter un an afin de discerner s'il voulait fonder la branche masculine du carmel déchaussé[B 19],[C 10]. Alors qu'elle arrive à Medina del Campo, elle entend parler de Jean de Saint-Matthias, un frère carme chaussé menant une vie ascétique et de pénitence[B 20]. Thérèse d'Avila décide de le rencontrer en participant à sa première messe[A 10],[B 21].

Thérèse d'Avila a alors un long entretien avec Jean de Saint-Mathias au cours de laquelle elle lui fait part de sa volonté de réformer l'ordre, et lui demande son aide, afin qu'il dirige la réforme de l'ordre masculin du carmel, les carmes déchaussés[A 10],[B 21]. L'objectif de cette réforme du Carmel est de retourner aux pratiques primitives de l’Ordre. Jean accepte et renonce à devenir chartreux[C 10]. Thérèse d'Avila lui demande toutefois de poursuivre ses études avant de commencer l'entreprise, en attendant l'autorisation des supérieurs ; il retourne donc à l'université de Salamanque pour achever sa formation[A 11],[B 21],[C 10].

Pendant ce temps, Thérèse d'Avila qui fonde un nouveau couvent réformé à Valladolid, reçoit en don une maison afin de fonder un nouveau carmel à Duruelo[A 11],[B 22]. Elle décide d'y implanter le premier couvent des carmes déchaussés. Un an après leurs première rencontre, en septembre 1568, Jean va à Valladolid, avec deux autres carmes, Joseph et Antonio, afin de connaître les usages de la nouvelle réforme du Carmel déchaussé, avant de partir pour Duruelo[A 12],[C 12]. Thérèse d'Avila décrit alors de manière élogieuse Jean : « Le père frère Jean est une des âmes les plus pures, les plus saintes que Dieu ait fait sur cette terre. Sa majesté lui a communiqué de grandes richesses de sagesse céleste »[B 23].

Représentation de la Vierge du Carmel avec les fondateurs du Carmel : Thérèse d'Avila, Jean de la Croix et Anne de Jésus

Duruelo : Bethléem des carmes déchaux

La fondation des carmes déchaussés se situe à Duruelo, dans une maison offerte à Thérèse d'Avila[C 13], lieu modeste que la religieuse surnomme « Duruelo Bethléem », en référence au lieu de naissance de Jésus-Christ[C 13]. Arrivée à Duruelo, le 28 novembre 1568, Jean de Saint-Matthias prend alors le nom de « Jean de la Croix », qu'il garde jusqu'à sa mort[B 24],[C 13]. Il s'y installe avec deux autres compagnons et porte l'habit de carme confectionné par Thérèse d'Avila : une bure retenu par une ceinture, le scapulaire de l'Ordre et un court manteau blanc[A 13]. Ils promettent de vivre selon la règle des carmes non réformé et datant du pape Innocent IV[C 13]. Il s'installe alors et travaille de manière importante à des ouvrages de maçonnerie afin de préparer le premier couvent des carmes déchaussés[B 25]. Ils prêchent aux alentours tout en gardant une vie très sobre[C 14].

Les premières années à Duruelo sont marqués par une radicalité importante : Jean de la Croix part évangéliser pied nu, et parfois malgré la neige. Il prêche et prie la nuit, en dormant très peu et dans des conditions très précaires, la maison n'étant pas très bien isolée du froid[A 13]. De plus, Jean de la Croix pratique une intense vie de mortification : il porte le cilice et s'impose différents type de mortifications, comme le jeûne. Il justifie cette mortification par la nécessité de rétablir en lui l'ordre détruit par le péché, mais aussi afin de faire réparation pour les autres[A 14],[B 26]. Thérèse d'Avila cherche à modérer ce qu'elle considère comme un excès de pénitence de Jean de la Croix, qu'elle juge comme trop lourd à porter[B 26].

Pendant qu'un nouveau carmel déchaussé est fondé à Pastrana, celui de Durelo étant trop petit[A 15],[B 26],[C 14], les pratiques d'extrêmes mortifications de Jean de la Croix commencent bien vite à poser problème : les novices à présent nombreux tentent de se démarquer en l'imitant. Jean est alors envoyé à Pastrana où il demande qu'on se limite, dans les pratiques d'austérité, aux seules exigences de la règle du Carmel[A 15]. Jean de la Croix comprend le danger des excès de pénitence et dénoncera, dans La nuit obscure (Noche oscura), les débordements de ses débuts affirmant : « Ce sont des pénitences de bêtes, vers lesquelles comme des bêtes on se laisse attirer, trompé par le désir et la satisfaction qui en résultent[B 25],[1] ». Suite à la fondation de Pastrana, de nombreuses personnes veulent entrer dans l'ordre. Jean de la Croix fonde également un carmel à Mancera.

Le 1er novembre 1570, alors âgé de 28 ans, il est nommé recteur du Collège que la réforme fonde à Alcala de Henares. Cette charge ne l'écarte pas de ses études de théologie, qu'il poursuit tout en enseignant aux carmes déchaussés[A 16],[C 15]. Une rumeur circule affirmant que Jean exige trop d'austérité à ses novices, leur demandant de maintenir la règle de l'ordre (i.e. déchaussé) tout en étudiant (« étudiants et religieux, mais religieux d'abord »). Il est encouragé dans ses démarches lors de la visite d'un dominicain [B 27]. Jean partira toutefois pour Pastrana pour modérer les pénitences qui y étaient pratiquées[C 16] ; il y fera également en sorte que les novices n'aient plus qu'un directeur spirituel, permettant de les suivre et les accompagner dans la continuité : c'est à partir de ce moment que Jean est considéré comme le maître de la réforme[B 28].

Accompagnateur des carmélites d'Avila

Portrait de Jean de la Croix du XVIIe siècle, par un anonyme

Thérèse d'Avila est nommée en 1571 par un visiteur apostolique (membre de l'Église envoyé par le pape), prieure du monastère de la Visitation d'Avila, le grand couvent où elle était entrée à vingt ans, pour y introduire sa réforme du carmel déchaussé[A 16][B 29],[C 16]. En 1572, elle fait venir Jean de la Croix comme directeur spirituel des religieuses, avec un autre carme déchaussé[A 16],[B 29].

Pendant trois ans, Jean de la Croix va vivre dans une profonde solitude et va accompagner spirituellement les 130 religieuses du couvent carmélite d'Avila[B 30],[C 17]. Son accompagnement est d'une grande aide dans l'instauration de la nouvelle règle du Carmel, et il est très vite apprécié par les carmélites. Anne de Jésus affirme : « Elles reconnaissent son génie dans le gouvernement des âmes, sa patience infinie, les conduisant à petite allure, sans violence et par des petits moyens, au point qu'il vient à bout des plus délurées qui laissent leurs coquetterie et les choses du monde pour se soumettre à sa parole, car elle est à la fois humaine, céleste et pleine d'amour »[B 31]. L'accompagnement spirituel de Jean de la Croix a sans doute un grand impact sur Thérèse d'Avila, qui commence à écrire ses principaux chefs d'œuvre et prières, dont la célèbre « Que rien ne te trouble, que rien ne t'effraie, Dieu seul suffit »[C 17].

Jean de la Croix vit dans une grande solitude, dans une maison aux abords du couvent. Il reste seul la plupart du temps, sauf quand il va chez les religieuses pour des directions spirituelles[A 16]. Très vite, il a une réputation de sainteté à Avila même, et il commence à développer sa doctrine spirituelle, notamment en écrivant, sur des petits billets qu'il laisse à certaines sœurs, des phrases pour les encourager[B 32]. Dans ces billets, il pousse les religieuses à se détacher des choses du monde, arguant que « L'âme qui s'attache à ses appétits n'est pas plus libre pour contempler Dieu que la mouche qui se pose sur du miel pour voler »[B 33], et affirmant que : « Celui qui ne sait pas éteindre ses appétits chemine vers Dieu tel un homme tirant péniblement un chariot jusqu'au sommet d'une côte »[B 34]. Il encourage ceux qui souffrent : « Quand tu portes un fardeau, tu es en compagnie de Dieu qui est lui même ta force car Il est proche de ceux qui sont dans la peine. Quand tu n'as pas de fardeau, tu es en société avec toi-même qui n'est qu'infirmité »[B 33].

Pour Jean, le silence est un moyen d'accéder à Dieu puisqu'il permet de limiter l'expérience des sens et réduit les activités désordonnés de l'intelligence. Il affirme : « Le Père a dit une parole qui est son Fils et Il la dit toujours dans un éternel silence et c'est seulement le silence que l'âme entend »[B 33],[A 17]. Jean fuit alors la lecture d'autres livres que la Bible, et évite les sentiments pour n'éprouver plus que de la foi pure[A 18]. C'est à travers cette recherche qu'il découvre l'expérience de ce qu'il appelle la « nuit de la foi »[A 19].

Face à cette quête de Dieu à travers la foi, il expérimente une souffrance intérieure, qu'il interprète comme une conséquence du péché : les facultés humaines ne sont pas adaptées, selon lui, à la découverte de Dieu[A 20]. Il compare alors cette souffrance à celles décrites dans les Évangiles lors de la Passion du Christ[A 21]. L'enseignement de Jean de la Croix influence beaucoup Thérèse d'Avila, qui écrit l'une de ses principales œuvres, le Château intérieur après avoir reçu son accompagnement[B 35].

En 1574, Thérèse d'Avila fonde un nouveau carmel à Ségovie et elle demande à Jean de la Croix de l'accompagner dans cette nouvelle institution[B 36]. Un jour de 1575, dans le couvent de l'Incarnation, Jean de la Croix a une vision du Christ en croix, qu'il représente « vu d'en haut » (ce dessin inspire plus tard le peintre Salvador Dali qui peint en 1951 Le Christ de Saint Jean de la Croix[2])[B 37],[C 18]. Cette vision conduit Jean de la Croix à approfondir ses méditations sur la souffrance du Christ, dont il écrit dans La Montée du Carmel (Subida del Monte Carmelo) : « Durant sa vie, il n'eut pas où reposer sa tête et à l'heure où il expira moins encore. Son Père le délaissait pour qu'il payât purement la dette de l'humanité et qu'il unit l'homme à Dieu, lui-même demeurant anéanti comme réduit à rien »[B 37].

Prisonnier à Tolède

Les années 1576 et 1577 marquent des changements importants vis-à-vis de la réforme du Carmel déchaussés. Jean de la Croix bénéficie de la faveur du roi, de la protection du nonce et de celle des visiteurs apostoliques[A 22]. Cependant, le père Rubeo, membre des carmes chaussés, entend que des carmes déchaussés, qui mettent en application la réforme du Carmel, revendiquent une plus grande indépendance[A 23]. Ces rumeurs conduisent à de profondes divisions, et un chapitre du carmel chaussés décide alors de son arrestation temporaire en 1576 à Medina del Campo, il est cependant très vite relâché. Les carmes chaussés cherchent alors à faire disparaître la réforme des déchaussés. Le 18 juin 1577, le nonce Ormaneto, représentant du pape en Espagne et favorable à la réforme, meurt[B 38]. Un chapitre général de l'Ordre, qui réunit tous les supérieurs de l'Ordre des Carmes, se déroule à Plaisance en Italie. Le chapitre décide de déclarer rebelles les Carmes déchaussés, et accuse Jean de la Croix d'être le meneur de la rébellion[A 23]. Ils cherchent à faire exclure Thérèse d'Avila du couvent des carmélites déchaussés, et, pour cela, ils conduisent à l'élection d'une nouvelle supérieure, puis font exclure Jean de la Croix[B 39].

Extrait du poème La nuit obscure faisant mention de la fuite par l'escalier secret (plaque commémorative de la fondation du carmel à Tolède)

Dans la nuit du 2 décembre 1577, Jean de la Croix est fait prisonnier par une troupe armée, dirigé par le Père Moldonado, opposant à la réforme des carmes déchaussés. Il est emmené de manière secrète à Tolède puis retenu dans un cachot du couvent des carmes chaussés[A 23],[B 39],[C 19]. On lui demande d'abjurer et de renoncer à la réforme du carmel, ce qu'il refuse[C 19]. Cette arrestation marque un changement important dans la vie de Jean de la Croix : il souffre physiquement (le cachot ne permet de voir le jour que par le toit, le régime punitif de cette réclusion est proche de celui d'un jeune forçat, il doit faire face à de fortes chaleurs, et il reçoit aussi des coups de la part des geôliers qui le considèrent comme un rebelle)[A 24],[C 20]. Cette souffrance est aussi psychologique : il entend des exhortations à quitter la réforme et ne reçoit aucune nouvelle de l'extérieur[A 24], de plus il n'a accès au début ni à la Bible, ni à aucun livre[C 21]. Dans sa foi, Jean de la Croix souffre de ce qu'il définit comme la « nuit de la foi »: un abandon apparent de Dieu et de toute son œuvre[A 25]. Cette période est cependant l'une des plus intense de sa vie spirituelle ; il parvient après plusieurs mois à avoir du papier et rédige ses poèmes, dont Le Cantique spirituel (Cántico espiritual)[A 26],[C 22]. Pour autant, son passage en prison est « un temps de naissance à soi-même, temps qui lui aura permis de devenir pleinement créatif » selon Dominique Poirot[3].

Jean de la Croix va rester neuf mois à Tolède, dans des conditions très difficiles : chaque semaine il est fouetté et insulté pour vouloir poursuivre la réforme déchaussé[B 40]. Il parvient toutefois à s'échapper mystérieusement le 17 août 1578[A 26],[B 41]. Il se cache alors chez les sœurs déchaussés de Tolède et y écrit ses poèmes[B 42]. Épuisé, il reste caché pendant deux mois chez des amis de Thérèse d'Avila et réécrit Le Cantique Spirituel, qu'il avait appris par cœur[B 43]. Il participe alors à un chapitre des carmes déchaussés qui demande la séparation officielle de cette nouvelle branche de l'ordre[B 44],[C 23]. Cette décision conduit à un renforcement de l'opposition des carmes chaussés, ce qui entraîne l'excommunication de Jean de la Croix[B 45]. Pour tenter d’apaiser la situation, les frères de la Réforme l’envoient à Jaén dans le sud de l’Espagne. Il accompagne aussi Thérèse dans ses dernières fondations. Il fonde, près de l’université de Baeza, un collège carmélitain pour les jeunes étudiants de la Réforme[C 24].

Chantre de l'amour

Autel consacré à Jean de la Croix dans l'église de Los Descalzos à Écija.

Après son incarcération à la prison de Tolède, les tensions entre les carmes poussent Jean de la Croix à s'installer dans le couvent du Calvario, dans les montagnes de la Sierra Morena en Andalousie[A 27],[C 23]. Il part en novembre 1578, et avant d'arriver au couvent du Calvario, il passe par Beas de Segura et y rencontre la supérieure du carmel déchaussé, Anne de Jésus ; il y récite son Cantique spirituel[A 27],[B 46],[C 25]. Jean de la Croix contribue à diminuer les pénitences des trente carmes présents, même s'il en maintient la rigueur[B 47],[C 26]. Il continue d'écrire des poèmes et passe de longs moments en méditation[B 48].

Jean de la Croix descend régulièrement du couvent du Calvario au couvent du carmel déchaussé à Beas de Segura, où il se lie, dans une relation étroite, avec la supérieure du carmel Anne de Jésus[A 28]. Il devient le directeur spirituel des carmélites et leurs écrits des billets ou des vers pour les aider dans leurs vies spirituelles[B 49]. Ces billets sont réunis sous le titre Paroles de lumière et d'amour[B 49]. Sur la demande d'Anne de Jésus, Jean de la Croix écrit un commentaire sur le Cantique spirituel qu'il a dicté[A 28]. Les membres de l'université de Baeza lui demandent de devenir recteur, ce qu'il accepte[A 29].

Afin d'accompagner les carmélites, il dessine le croquis de la montée du Carmel, dans lequel il montre le chemin pour parvenir à l'union à Dieu[B 50]. Le dessin montre différents itinéraires pour s'unir à Dieu, comme ceux de l'imagination, de l'intelligence ou de la volonté. Tout ces chemins ne mènent cependant pas à Dieu et le seul et ultime moyen est le « rien » : Jean de la Croix prône un détachement intégral de tout, et, au bas du croquis, est écrit un poème dans lequel il affirme : « Pour parvenir à être tout, Ne cherche à être quelque chose en rien »[B 51]. Ce dessin de Jean de la Croix lui inspire plus tard un ouvrage célèbre : La Montée du Carmel[B 52].

Jean quitte le monastère de Calvario pour fonder un nouvel établissement carme à Baeza, et dont il achève l'édification le 13 juin 1579[B 53],[C 27]. Baeza est une ville universitaire importante, Jean de la Croix y enseigne aux carmes en donnant des cours, et continue à écrire des poèmes et des réflexions[C 28]. Il retourne souvent à Béas afin d'accompagner les carmélites[B 54],[C 28]. Au début de 1579, la région est victime de la peste. Jean de la Croix soigne alors les malades, recherche de la nourriture, et visite les souffrants. La mère de Jean de la Croix, Catalina, meurt au cours de l'épidémie[B 55],[C 29].

Le marque une date importante pour le nouvel ordre du carmel, dans la mesure où le pape Grégoire XIII signe le décret de séparation dénommé « Pia Consideratione » qui conduit à la séparation des carmes chaussés et déchaussés[B 56],[C 29]. Le dominicain Juan de las Cuevas est nommé pour exécuter les décisions[B 57]. Un chapitre réunit alors tous les supérieurs des Carmes le 3 mars 1581 à Alcala de Henares, où une fête splendide est donnée[C 29]. Les principales décisions de l'ordre sont prises : Jean de la Croix est réélu et il rédige les constitutions[C 30]. Le chapitre décide aussi d’envoyer des religieux en mission au Congo. Il use de son influence afin que les supérieurs des carmes participent aux tâches les plus simples[B 58]. Jean écrit à une sœur sa souffrance d’être séparé de Thérèse d’Avila : « consolez-vous avec mon exemple, car je suis ici en exil et solitaire. Depuis que cette baleine m’a avalé puis vomi en ce port étranger, je n’ai plus pu revoir Mère Teresa, ni les saints qui sont là-bas, chez vous. Dieu a bien agi. En définitive l’abandon affine, et souffrir les ténèbres donne une grande lumière[B 59]. » Le nouveau vicaire veut éloigner Jean de la Croix et l’envoie fonder un nouveau monastère à Grenade[B 59].


Bronze de Rafael Pi Belda à Caravaca de la Cruz (Murcie)

Grenade

Le supérieur de la province du Carmel de Grenade est Diego de la Trinidad. Jean de la Croix rencontre une dernière fois Thérèse d’Avila. Celle-ci lui demande de fonder, avec Anne de Jésus, un nouveau monastère à Grenade[B 60]. Tous deux s'y rendent, et ils y sont alors accueilli par Dona Ana en 1582[B 61].

Jean de la Croix, étant maçon et jardinier, construit avec quelques frères un nouveau monastère. Il reçoit l’aide de son frère Francisco de Yepes[B 62]. Jean de la Croix, lors de ses directions spirituelles, montre l'importance qu'il attache aux directions spirituelles au cas par cas, agissant avec délicatesse, comme il affirme : « Qui donc a vu que les vertus de Dieu s’enseignent à coups de bâton et avec rudesse ? »[B 63]. En tant que supérieur, il se montre ferme mais doux : « Sa continuelle conversation était de Dieu, aussi bien en récréation que dans les autres lieux. Et il avait tout de grâce en traitant ces choses de Dieu qu’il nous faisait tous rire et nous rentrions ayant beaucoup de plaisir »[B 64].

Pendant qu'Anne de Jésus est prieure à Grenade, Jean est quant à lui supérieur du couvent de Grenade, appelé aussi couvent de Los Martires (couvent des martyrs)[4]. Il est aussi directeur spirituel des religieuses[B 65]. Il permet l’entrée de religieuses qui n’ont pas la dot, dont Marie de la Croix notamment[B 65]. La santé de Jean de la Croix s'affaiblit cependant[B 66]. Il poursuit ses directions spirituelles avec certaines personnes, en écrivant des lettres, dans lesquelles il encourage à vivre un détachement complet : « Voyez ce qui peut se passer dans l’âme, dans l’état où vous êtes. Comme elle marche dans les ténèbres et le vide de la pauvreté spirituelle, elle pense que tout et tous lui manquent… Mais il ne lui manque rien. Celui qui ne veut rien d’autre que Dieu ne marche pas dans les ténèbres. Bien qu’il ne voie davantage dans l’obscurité et plus pauvre, celui qui ne fait pas sa volonté propre n’a pas de quoi trébucher[B 67]. »

Il apprend la mort de Thérèse d'Avila, morte en octobre 1582. Jean de la Croix est cependant victime de calomnies, et est critiqué. Un nouveau chapitre se réunit en 1583 à Almodovar, organisé par le supérieur le Père Gratien[B 68]. Jean de la Croix est maintenu supérieur de la Grenade[B 69].

Écrivain

Portrait de Jean de la Croix du XVIIe siècle, anonyme

En 1583, en revenant du chapitre d'Almodovar, Jean de la Croix retourne auprès des carmélites avec Anne de Jésus pour effectuer des directions spirituelles. Il aide alors les religieuses en leur prodiguant des billets et des petits traités comme : Les Propriétés du passereau solitaire, Les Précautions, Les Dits de lumière et d'amour dans lesquels il explique sa doctrine[B 70]. Or Anne de Jésus lui demande une explication aux poèmes qu'il a écrits en sortant de sa prison de Tolède[B 71]. Après un refus, Jean de la Croix décide finalement d'écrire une explication de son poème, après avoir mis en garde contre la difficulté d'expliquer ses écrits, qu'il dit inspiré par l'Esprit Saint ; il écrit une explication de chaque strophe, le tout donnant naissance à ses traités spirituels tels : La montée du Carmel et La nuit obscure, dans lesquels il décrit les étapes de l'ascension de l'âme à Dieu[A 29],[B 71],[A 30]. Ces deux traités tentent de décrire les actions de Dieu et tracent les contours de la théologie de Jean de la Croix : « En toute âme, même en celle du plus grand pécheur du monde, Dieu réside et demeure substantiellement. Quand nous parlons de l'union de l'âme avec Dieu, nous écartons cette union substantielle être créé[5],[B 72]. »

Dans son ouvrage La Montée du Carmel, il développe son dessin à propos de sa montée du Mont Carmel dans lequel il montre que les différents chemins qui mènent à Dieu sont : l'intelligence, l'imagination, la volonté, etc. « Dieu meut tous les êtres selon le mode de leur nature », Dieu élève l'âme « en l'instruisant des formes, des images et des moyens sensibles et selon son mode de comprendre, par des voies naturelles et surnaturelles, puis par des méditations discursives jusqu'à la souveraine grandeur de son esprit »[6],[B 73]. Cependant, l'âme doit se détacher de tout pour parvenir à la véritable union à Dieu : « En cette nudité l'esprit trouve son repos, car ne désirant rien, rien ne le fatigue vers le haut, rien ne l'opprime vers le bas, puisqu'il est dans le centre de lui même qui est Dieu »[7],[B 52].

Jean de la Croix parcourt la région afin de fonder des nouveaux monastères. Toujours accompagné d’un frère laïc, à dos d’âne ordinairement, il voyage beaucoup pour encourager les nouveaux couvents de frères et de moniales. Il continue à écrire ses traités. Quelque temps plus tard, à la demande d'une de ses filles spirituelles, il écrit La vive flamme d'amour (Llama de amor viva), en quinze jours, traité précisant sa doctrine spirituelle[A 31],[B 74]. Dans cet ouvrage, Jean de la Croix affirme que Dieu est au centre de l'âme, en son lieu le plus profond. Il parle de la présence et de l'union de l'âme à Dieu en la comparant à un feu intérieur (d'où le titre de son ouvrage)[B 75]. Là encore Jean de la Croix affirme que l'union à Dieu doit passer par une purification douloureuse, afin de parvenir à cette union, il prend appui sur l'expérience de la transverbération de Thérèse d'Avila pour décrire cette intimité[B 76].

Charges et réformes

En 1585, devant l'importance du nouvel ordre religieux des carmes déchaussés, plus de 500 personnes y étant alors entrées[B 77], un chapitre est convoqué au Portugal[B 77]. Jean de la Croix fonde un couvent à Malaga et un autre chapitre est convoqué à Pastrana le 17 octobre 1585[B 78]. Le chapitre vote le transfert des restes de Thérèse d'Avila au couvent de l'incarnation à Avila[B 79]. Jean de la Croix n'est plus le prieur de Grenade, mais devient le vicaire provincial d'Andalousie (le responsable des carmes dans toute la province)[B 79].

Jean de la Croix voyage alors beaucoup ; visitant les nombreux couvents carmes d'Andalousie, il donne des conseils sur la conduite des frères[B 80]. Il fonde une nouvelle institution à Ségovie[B 81]. Cependant, la santé de Jean de la Croix se montre fragile et il doit s'arrêter à Guadalcázar, où il tombe malade[B 80].

En 1586, Doria, le supérieur des carmes décide de convoquer un nouveau chapitre à Madrid pour le 13 août[B 82]. Jean de la Croix part pour Madrid et est accompagné par Anne de Jésus qui doit fonder un carmel dans la région de cette ville[B 82]. Au cours du chapitre, il est décidé de publier les œuvres de Thérèse d'Avila, ainsi que le passage sur l'unification du rite romain au sein des carmes déchaussés[B 82].

Jean de la Croix retourne en Andalousie où il rencontre la carmélite Marina de San Angelo et parle avec elle de l'oraison, dans lequel il montre l'importance de l'examen de conscience afin de rechercher tout ce qui peut nous séparer de Dieu[B 83]. Au cours de ce retour, il confie néanmoins sa souffrance du fait que ses avis ne soient jamais écoutés et suivis au cours des décisions des chapitres[B 84].

Le 18 décembre 1586 il fonde de nouveau à Caravaca et repart à Beas[B 85]. Doria convoque alors de nouveau un chapitre pour avril 1587 à Valladolid[B 85]. Jean de la Croix est déchargé de toutes ses charges sauf celle de prieur de Grenade. Le 10 juillet 1587, le pape Sixte Quint érige la réforme des carmes déchaussés en congrégation à part entière[B 86].

Vision de Jean de la Croix, de Josefa de Óbidos, 1673, à la Santa Casa de Misericórdia, Figueiró dos Vinhos, Portugal

Prieur à Ségovie

Jean de la Croix devient l'un des consultateurs et il est nommé prieur de Ségovie[B 87],[A 32],[C 31]. Il fonde un monastère dans cette ville, avec Doña Ana, celle qui a reçu le livre La vive flamme d'amour, et qui finance l'institution religieuse[B 88],[C 31]. Jean de la Croix s'occupe alors des nombreuses demandes de la consulta, organe dirigeant des carmes, et passe de longs moments à prier[B 89],[C 32]. Des rumeurs et des critiques s'élèvent mais Jean de la Croix refuse de changer de comportement ou de se méfier de certaines personnes : « mieux vaut se laisser tromper » dit-il, plutôt que de perdre sa pureté de cœur[B 90].

Lors d'une de ses oraisons, il contemple un tableau de Jésus crucifié quand il affirme entendre une voix qui lui demande : « Jean, que désires-tu pour tous les travaux que tu as endurés pour moi ? »[A 33]. Il répond alors ne vouloir rien d'autre que « souffrir et être méprisé pour vous »[A 33],[B 91],[C 33]. Jean de la Croix affirme d'ailleurs dans son commentaire du Cantique spirituel que « Souffrir est le moyen par excellence pour aller plus avant dans la délectable et profonde sagesse de Dieu » ; critiquant ceux qui refusent la souffrance, il dit : « Ô Vérité méconnue, quand pourra-t-on faire comprendre que la profondeur de ta Sagesse et des richesses infinies de Dieu est inaccessible à ceux qui repoussent les souffrances, à ceux qui ne désirent pas, et n'y trouvent pas la consolation de leur âme ? »[A 34].

Dans le même temps, les carmélites demandent à Doria d'avoir Jean de la Croix comme directeur spirituel, ce qui vexe les supérieurs des carmes[B 92]. Un nouveau chapitre est convoqué le 2 juin 1591[B 92]. Jean de la Croix n'a alors plus aucune charge au sein des carmes, ce qui l'empêche d'avoir un rôle spirituel auprès des carmélites[B 93]. Il donne ses derniers conseils aux religieuses dans une lettre : « Où il n'y a pas d'amour, mettez de l'amour et vous obtiendrez de l'amour »[B 94].

Calomnies et mort de Jean de la Croix

Sépulture de Jean de la Croix au Carmel de Ségovie

Alors qu’il a été présent au départ de la réforme et qu’il en a assumé différentes responsabilités, excepté celle de supérieur provincial, il finit par être marginalisé de nouveau en 1591, lors du chapitre général des carmes déchaussés[A 35],[C 33]. Le chapitre général veut l’envoyer fonder des communautés au Mexique avant de réduire son statut à celui de simple religieux. Il est d'abord envoyé au couvent de La Peñuela en Andalousie[A 35]. Jean de la Croix se réjouit cependant de cette exclusion dans laquelle il voit une similitude avec Jésus-Christ lors d'une lettre à Anne de Jésus : « Désirez vous rendre semblable à notre grand Dieu humilié et crucifié, car si cette vie ne sert à l'imiter, à quoi est-elle bonne ? »[C 33].

Il retourne en Andalousie à l'automne, à Penuela, où il devient simple carme[B 95]. Diego Evangelista, un carme qui voue une haine féroce à Jean de la Croix, profite de ses pouvoirs donnés au chapitre pour mener une enquête contre lui[B 95]. Il détourne des témoignages et veux le décrire comme un coureur de bures, essayant de discréditer le mystique[B 96],[A 36].

Jean de la Croix tombe malade le 10 août 1591, victime d'un érysipèle. Il est porteur d’une fièvre qui ne le quitte plus et il ne peut pas rester dans le petit couvent de La Peñuela[A 35],[C 34]. Le 28 septembre, il est envoyé dans le couvent le plus proche, à Úbeda, pour s’y faire soigner, mais il y est reçu avec beaucoup de méfiance par le supérieur Francisco Crisostomo qui n'a pas apprécié les reproches que lui a faits Jean de la Croix, lors d'une visite, lui reprochant sa conduite arrogante envers les novices[A 36],[B 97]. De plus, il ne reçoit pas de dispense spéciale alors que sa maladie empire.

Le médecin coupe les morceaux de chairs infectés, et devant les dons qui affluent pour Jean de la Croix, qui est considéré par les villageois comme un saint, le prieur décide de lui interdire toute visite[B 98]. La maladie empire et les soins du médecin sont très douloureux : coups de bistouri, incisions du talon, le long du tibia, cautérisation au fer rouge se succèdent. Ils ne permettent cependant pas de limiter les abcès et Jean de la Croix affirme au père Antoine qui l'accompagne être submergé par la souffrance[A 37],[B 99],[C 35].

La maladie se poursuit mais Jean de la Croix confie au père Antoine être de plus en plus paisible[A 38]. Le médecin lui annonce le 7 décembre que sa mort est proche ; Jean de la Croix se confesse et demande pardon à sa communauté[B 99]. Le 13 décembre, il demande à ce qu'on lui lise le Cantique des Cantiques[A 39]. Il meurt dans la nuit du 13 au 14 décembre 1591[A 40]. Doña Ana obtient très vite que son corps soit transféré à Ségovie, où elle demeure[B 100].

Héritage

Doctrine spirituelle

Foi

Allégorie de la foi de Luis Salvador Carmona à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando, 1752
La foi, seule mesure de Dieu

Dans la mesure où Dieu est pour Jean de la Croix un pur esprit, il ne peut pas être connu par nos facultés naturelles : nos sens ne perçoivent que le concret des choses, et l'intelligence n'atteint que les idées générales[A 16]. La foi est alors l'unique moyen de connaissance de Dieu : « la foi est le seul moyen propre et proportionné pour atteindre Dieu », dit-il[A 41],[8]. Jean de la Croix affirme qu'il faut tout le temps faire des actes de foi. Il ne donne pas beaucoup d'importance aux phénomènes extraordinaires comme les apparitions ou les miracles. Pour Jean de la Croix, ils ne sont que des manifestations de Dieu, mais ne sont pas Dieu Lui-même[A 42],[9].

La foi est nuit

Jean de la Croix définit la foi comme « une connaissance certaine mais obscure »[A 43],[10]. Dans La Montée du Carmel, il affirme que la « foi est une nuit »[11],[A 42] ; pour lui, notre connaissance de Dieu ne sera jamais parfaite puisque Dieu est en dehors de nos facultés. Ainsi la foi dépasse l'intelligence et doit la soumettre, la foi consistant à croire dans un mystère[A 44]. L'obscurité de la foi vient donc pour Jean de la Croix du fait que la foi dépasse l'intelligence, et cette dernière, n'ayant pas d'explication, se trouve dans une obscurité, du fait de l'éblouissement de la foi : « La foi est une habitude de l'âme, certaine et obscure en même temps. Elle est obscure car elle nous fait croire des vérités révélées par Dieu lui-même, qui sont au dessus de toute lumière naturelle. Parce qu'elles sont infinies et divines, elles excellent incomparablement la portée de tout entendement humain... Ainsi en est-il de la foi. Sa lumière, par son excès, opprime et éblouit la lumière de notre entendement »[A 45],[11]. C'est cet éblouissement de l'entendement qui conduit à un aveuglement et, donc, à une obscurité ou une nuit.

La foi est pour Jean de la Croix un mystère pour la personne elle-même. Dans son ouvrage La Nuit obscure, il décrit la foi comme « un escalier secret, par lequel l'âme pénètre jusqu'aux profondeurs de Dieu »[A 46],[12]. La foi est aussi décrite comme « une tunique blanche que l'âme se revêt et sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu »[A 46],[13]. Pour Jean de la Croix, la foi est le moyen d'être en sûreté contre tous ses ennemis, qui sont le démon, le monde et la chair[12].

La foi comme torche enflammée

Jean de la Croix utilise une autre analogie pour décrire la foi : il l'a décrite comme des « torches enflammées », que les soldats de Gédéon portaient mais ne voyaient pas, dans le livre des Juges[A 47],[14]. Jean de la Croix affirme que la foi est la même chose, c'est comme un vase qui contient la lumière : le vase qui empêche de voir la lumière est l'enveloppe obscure alors que le contenu de la foi, la lumière, est Dieu lui-même[A 47]. Ainsi l'intelligence n'arrive qu'à atteindre la surface alors que la foi atteint l'intérieur, la substance de Dieu[A 48].

La foi permet pour Jean de la Croix de vivre avec Dieu, il affirme que « plus une âme a la foi, plus elle est unie à Dieu »[A 49],[14]. Il développe son argumentaire en s'appuyant sur le livre d'Osée qui affirme que « C'est dans la foi que Dieu épouse l'âme »[15],[A 49]. Il affirme alors dans son Cantique spirituel que la foi accompagnée de la charité « est une véritable possession de Dieu »[A 49],[16].

Espérance et le détachement

Allégorie de l'espérance dans la prison, d'Evelyn De Morgan
Importance de l'espérance chrétienne

Jean de la Croix considère l'espérance comme l'un des éléments centraux qui mènent à Dieu, et cette place essentielle donnée à l'espérance le conduit à l'affirmation qu'« on obtient autant qu'on espère »[A 50],[13]. Cependant l'espérance n'est pas naturellement pure pour Jean de la Croix, elle doit être tournée vers Dieu[A 50]. Il dessine dans La Montée du Carmel un plan qui mène à Dieu, et décrit tous les chemins qui égarent de Dieu soit : les biens terrestres. Selon lui, le seul chemin qui mène à Dieu est celui du rien : « pour arriver à tout savoir, veillez à ne posséder quoi que ce soit (...) pour arriver à être tout, veillez à n'être rien de rien (...) car pour venir du tout au tout, il faut se renoncer du tout au tout »[17],[A 51]. Jean de la Croix affirme alors que pour atteindre Dieu le danger est alors moins le péché que l'attache volontaire aux choses : « une seule des imperfections, si l'âme y est attachée ou en a l'habitude, lui cause autant de dommage pour son avancement et son progrès dans la vertu, qu'une foule d'imperfections et de péchés véniels, qui ne procèderaient pas de l'habitude d'une passion vicieuse »[18],[A 51].

Obstacles à l'espérance

Jean de la Croix développe dans ses traités les obstacles qui peuvent empêcher l'âme d'atteindre Dieu par le manque d'espérance[A 52]. Il affirme qu'il faut s'appuyer uniquement sur Dieu, et il développe les différents obstacles qui conduisent à s'écarter du chemin. Le premier obstacle est l'intelligence. Bien qu'il n'en nie pas l'importance, qui lui parait même utile au début, celle-ci peut s'avérer un obstacle quand elle refuse l'obscurité douloureuse de la foi[A 52]. L'attache aux biens intellectuels est aussi, pour lui, un obstacle possible dans le chemin vers Dieu[A 53].

La deuxième source de difficultés vient des vertus elles-mêmes, et là encore Jean de la Croix pense que l'on ne devient vertueux que par la grâce, l'aide de Dieu[A 53]. Or, très vite, une personne qui devient vertueuse considère qu'elle l'a été par ses propres mérites, ce qui conduit à refuser Dieu comme source de tout[A 54]. L'effort pour acquérir les vertus devient l'obstacle qui nie l'action de Dieu dans l'âme[A 54],[19]. Pour bien agir une personne doit alors avoir confiance en Dieu et ne compter que sur Lui seul, en se détachant de tout : « Mon âme est détachée de toute chose créée... appuyée uniquement sur son Dieu » [A 55],[20].

Les autres obstacles sont, pour Jean de la Croix, ce qu'il appelle les « biens spirituels » ou les « grâces sensibles ou mystiques »[A 55]. Pour Jean de la Croix ce sont des dons de Dieu, mais la personne peut détourner ces dons pour en devenir orgueilleuse et en faire un bien propre[A 55]. Toute personne qui fonde sa vie spirituelle sur ces biens est alors semblable à « La mouche qui se pose sur le miel et ne peut plus voler, l'âme qui s'attache aux consolations spirituelles n'est plus libre pour la contemplation »[A 56],[21]. L'ensemble de ces obstacles conduisent Jean de la Croix à voir dans la nuit obscure un élément de purification.

Détachement comme aboutissement de l'espérance

Jean de la Croix affirme que le moyen d'arriver à Dieu est celui du détachement, de la pauvreté complète que l'on peut atteindre par la nuit obscure[A 56]. Certes il ne nie pas l'importance des livres ou des sacrements, mais ce ne sont que des moyens[A 57]. Ce qu'il décrit comme la nuit obscure est alors une pauvreté complète de la personne, qui la dégage de tout[A 58]. C'est la pauvreté totale qui conduit à l'union avec Dieu[A 58]. Ce dénuement mène alors l'âme à Dieu : « Quand l'âme est si détachée de tout, qu'elle est dans un dénuement complet, qu'elle a, je le répète, accompli tout ce qui dépendait d'elle, il est impossible que Dieu ne fasse pas de son côté ce qu'il faut pour se communiquer à elle, au moins dans le secret du silence »[A 58],[22]. C'est par la pauvreté que l'on peut recevoir Dieu, comme Jean de la Croix le décrit dans l'un de ses poèmes : « Alors je m'abaissai tant et tant / Que je fus si haut si haut, / Que je finis par atteindre le but »[A 59],[23].

Théologie mystique

Union de l'âme à Dieu

Les écrits de Jean de la Croix présentent une grande cohérence dans laquelle il cherche à développer pour ses lecteurs la vie intérieure et la vie de prière avec Dieu[C 36]. Il place la connaissance de soi et du monde extérieur comme un prérequis à la connaissance de Dieu : « Après l'exercice de la connaissance de soi, la considération des créatures est le premier pas à faire dans le chemin spirituel, pour arriver à la connaissance de Dieu »[C 36],[24].

Il développe tout au long de ses écrits une doctrine sur l'âme humaine qui doit passer par des purifications progressives afin d'accéder à une vie intérieure[C 37]. Dans La Nuit obscure, il développe et décrit ce qu'il appelle la « nuit de l'âme » : une purification passive des facultés sensibles c'est-à-dire de la mémoire, de l'imagination, de la volonté et de l'entendement afin de pouvoir accéder à Dieu[C 37]. Dans La Montée du Carmel et Cantique Spirituel, il développe les différents aspects de la personne et développe une analyse de la substance de l'âme afin de permettre une union à Dieu[C 37].

La Bible a une place fondamentale dans cette démarche et sa lecture ouvre pour Jean de la Croix à la contemplation : « Cherchez en lisant et vous trouverez en méditant ; appelez en priant et l'on vous ouvrira à la contemplation »[C 38]. La lecture de la Bible, la lectio divina, qu'il croit inspirée par Dieu, est un moyen de rentrer dans la contemplation : « En suivant les divines écritures, nous ne pouvons nous égarer, puisque c'est l'Esprit saint lui-même qui parle »[C 38]. Il voit ainsi dans les personnages bibliques autant de témoins de l'expérience de Dieu, autant d'exemples à suivre[C 38].

Importance de la prière

Ces prérequis conduisent Jean de la Croix a développer sa conception de la prière. Celle-ci ne se limite pas à la simple méditation ou au temps consacré à Dieu. Pour Jean de la Croix, la prière ne se détache pas de la vie quotidienne ; elle consiste au contraire en une démarche de désirer Dieu tout au long de la vie[C 39] : « Efforcez vous de vivre une oraison continuelle, sans l'abandonner au milieu des exercices corporels. Que vous mangiez, que vous buviez, que vous parliez ou que vous fassiez tout autre chose entretenez constamment en vous le désir de Dieu »[25].

Dans Cantique Spirituel, Jean de la Croix résume le cheminement mystique en énumérant les étapes dans la prière qui conduisent à Dieu[C 40] : « Ce chant décrit la voie que suit une âme depuis l'instant où elle commence à servir Dieu jusqu'à celui où elle atteint le sommet de la perfection, c'est-à-dire le mariage spirituel. On y traite donc des trois états ou trois voies de la vie spirituelle qui conduisent à l'état de perfection : la voie purificatrice, la voie illuminative et la voie unitive »[26].

Voie purificatrice

Jean de la Croix dans ses différents ouvrages décrit la vie mystique comme un chemin, une montée vers Dieu. Ce chemin passe pour les débutants par une voie purificative : la prière au début peut être difficile et demande de la persévérance[C 40].

Jean de la Croix encourage à persévérer : « Ne laisse jamais l'oraison si tu sens de la sécheresse et de la difficulté, à cause de cela même persévère. Souvent Dieu veut voir ce dont ton âme est capable, et cette épreuve n'a pas lieu dans la facilité et le goût spirituel »[C 40]. Pour Jean de la Croix il est nécessaire de se dépouiller de tout et de lutter contre ce qui nous écarte de la prière. Il voit dans les difficultés des signes surnaturels : « Le démon peut provoquer des mouvements sensuels pour favoriser un relâchement ou un abandon du temps appliqué à l'oraison ; les mouvements de la luxure peuvent aussi être le signe d'un tempérament délicat »[C 41],[27].

La prière doit consister à se purifier des envies : « C'est un grand mal que de regarder les biens de Dieu plutôt que Dieu même. Oraison et réappropriation »[C 42]. Dans ses écrits, il décrit ce passage comme une « nuit noire de l'âme »[C 42].

Voie illuminative
Représentation de la transverbération de Thérèse d'Avila par Le Bernin

La deuxième étape décrite par Jean de la Croix est celle de la voie illuminative[C 40]. Cette étape est celle du passage à la contemplation[C 42]. Dans ses ouvrages, La nuit obscure et La montée du Carmel, il décrit le passage de la méditation à l'oraison : La personne qui prie n'arrive plus à méditer, néanmoins, elle ne veut pas pour autant revenir à la vie qu'elle menait avant l'oraison et a le sentiment de ne pas assez servir Dieu[C 42].

Jean de la Croix décrit cette étape en affirmant que la personne qui prie ne fait plus d'effort pour prier[C 43] : « Dès qu'elle se met en présence de Dieu, elle entre dans un acte de connaissance confuse et amoureuse, calme, paisible, dans lequel elle s'abreuve de sagesse, d'amour, de jouissance »[28]. La personne vit alors dans une grande paix intérieure, c'est un changement, qu'il appelle aussi les « fiançailles spirituelles » « Autrefois dans son oraison et sa relation avec Dieu, elle s'occupait de certaines considérations et suivait certaines méthodes. Maintenant tout se réduit à aimer »[C 44],[29].

Voie unitive

Le sommet de l'oraison pour Jean de la Croix est la voie unitive : l'union de l'âme avec Dieu[C 44]. Jean de la Croix affirme, ce que la théologie appelle l'« habitation de la trinité », que Dieu est présent au centre de l'âme. Le but de la vie spirituelle consiste pour Jean de la Croix à s'unir à Dieu en son âme. Cette union par l'oraison est le sommet de la vie spirituelle[C 44] : « Parce que Dieu réside substantiellement en l'âme, dans ce sanctuaire... les communications - contacts substantiels d'union entre l'âme et Dieu - constituent le plus haut degré de l'oraison. Une seule de cette nature apporte à l'âme plus d'avantages que toutes les autres, quelles qu'elles soient »[30].

Cette union est comparée à un mariage spirituel[C 45] : « De même que, dans la consommation du mariage naturel, les époux dans une seule chair ainsi, une fois le mariage consommé entre Dieu et l'âme, il y a deux natures fondues dans un même esprit et un même amour »[31]. Cette union est pour Jean de la Croix une préfiguration de la vie éternelle qui consiste en « la possession de Dieu par l'union d'amour »[C 46],[32].

Philosophie de Jean de la Croix

Représentation moderne de Jean de la Croix à Beas de Segura (Espagne)

Détachement

Les écrits et les expériences spirituelles de Jean de la Croix ont été commentés par des philosophes. Certains y ont vu un mouvement de dépassement permanent[A 60]. Jacques Paliard, professeur de philosophie d'Aix en Provence, voit un mouvement d'insatisfaction et une inquiétude permanente d'autre chose, de quelque chose de plus élevé, qui ne trouve sa satisfaction que quand il aura trouvé Dieu à sa mesure et selon ses besoins[A 61]. C'est ce mouvement qui conduit à vouloir se dépasser par un détachement de tout[A 61]. Jean de la Croix est largement commenté par les philosophes du détachement, qui en font l'un des principaux penseurs du détachement chrétien. Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, carme qui s'est spécialisé dans l'étude de la théologie de Jean de la Croix, voit dans ce mouvement un élément central de la spiritualité de celui-ci ; il compare ce détachement au « souffle de Dieu dans l'âme qui veut aller vers Dieu »[A 61].

Afin d'accéder à Dieu, Jean de la Croix prône un détachement intégral, ce qui le conduit à affirmer que « pour arriver à tout savoir, veillez à ne posséder quoi que ce soit (...) pour arriver à être tout, veillez à n'être rien de rien (...) car pour venir du tout au tout, il faut se renoncer du tout au tout »[17].

Intelligence et volonté

Jean de la Croix étudie la philosophie de Thomas d'Aquin, et il reprend à son compte les deux facultés de l'âme : l'intelligence et la volonté[A 62]. Henri Grialou qui étudie Jean de la Croix, affirme néanmoins que la pensée de Jean de la Croix conduit à une distinction sur l'intelligence et la volonté[A 63].

Œuvre littéraire

Sources d'inspiration

La richesse de l'œuvre de Jean de la Croix en fait l'un des principaux écrivains de langue espagnole. Son principal livre d'inspiration est la Bible, et principalement le Cantique des Cantiques, mais d'autres livres semblent présents dans ses écrits, comme ceux de Pseudo-Denys l'Aréopagite, les confessions de Saint Augustin, Thomas d'Aquin ; tous sont en effet cités dans ses principaux traités, et il les a étudiés pendant ses études de théologie[B 101]. On peut aussi voir l'influence de Jean Tauler et Jean de Ruysbroek[B 102]. Certains parlent aussi d'une influence islamisante, cependant cette thèse est à nuancer dans la mesure où Jean de la Croix n'a pas eu accès aux services d'une bibliothèque quand il écrivit. Il s'agirait d'une influence indirecte, puisque la culture arabe était encore présente en Andalousie à l'époque de Jean de la Croix[B 102].

Poésie

La poésie de Jean de la Croix est reconnue comme l'une des plus belles de la poésie lyrique espagnole. Elle cherche à exprimer l'expérience mystique et religieuse de Jean de la Croix en vers[D 1].

Genèse

La composition des poèmes de Jean de la Croix ne date pas de ses années d'études (1559–1563), mais il existe des traces des premiers vers dès la période d'Avila (1572–1577), par la présence de vers écrits et transmis par Thérèse d'Avila lors des fêtes de Noël[D 2],[33]. Bien qu'aucune date précise ne permettent de dater avec certitude l'écriture des poésies de Jean de la Croix, de nombreux indices datent l'écriture de ses premières poésies avant l'épisode de Tolède, tels les poèmes : J'aborde une sphère inconnue et Je vis, mais sans vivre en moi-même[D 2],[D 3].

Le moment culminant de l'écriture sanjuaniste, nom donnée aux écrits de Jean de la Croix[Note 3], date de sa période en prison à Tolède (décembre 1577–août 1578)[D 3]. On date de la période de Tolède les poèmes Super Fulmina Babylonis, Je sais une source qui jaillit et s'écoule, les 31 strophes du Cantique Spirituel ou encore Où es-tu caché bien aimé?[D 4].

Les autres poésies sanjuanistes sont difficiles à dater de manière plus précise ; une grande partie a sans doute été écrite quand il vivait à Grenade (1582–1586)[D 4]. La poésie de La nuit obscure est écrite lorsque Jean de la Croix était à Tolède, et avant son arrivée à Grenade (1578–1582)[D 5]. Les poèmes Ô flamme d'Amour, Vive Flamme et les dernières strophes du Cantique Spirituel sont écrits à partir de 1582[D 6].

Style et écriture sanjuaniste

Jean de la Croix a étudié la poésie au cours de ses études à Medina del Campo, où il a reçu une formation littéraire qui lui a permis de connaître les écrivains et poètes classiques espagnols ainsi que les règles de la poésie[D 7].

Les écrits sanjuanistes peuvent être classés dans plusieurs genres : celui de la poésie classique (c'est le cas, en particulier, des poèmes : Où t'es tu caché, bien-aimé, Au milieu d'une nuit obscure, Ô flamme d'amour, vive flamme, Je sais une source qui jaillit et s'écoule, Vois ce berger seul et tout désolé[D 7]), celui des couplets ou des gloses (par exemple : J'aborde une sphère inconnue, Je vis, mais sans vivre en moi-même, Dans l'élan d'un exploit d'amour, Appuyé sans aucun appui, Jamais les beautés de ce monde[D 8], celui des romances (Au commencement demeurait, Sur les fleuves qu'en Babylonie)[D 8] ou celui des chansons (Du verbe divin, Oubli du créé)[D 8].

La poésie sanjuaniste apparaît comme immergée dans sa culture, Jean de la Croix s'inspirant de poètes espagnols profanes, et réutilisant des aspects de la poésie populaire espagnole[D 9]. La principale source d'inspiration de ses poèmes est la Bible et plus particulièrement le Cantique des Cantiques, qui est revisité par Jean de la Croix[D 10]. Ainsi, selon Eulegio Pacho, Jean de la Croix « reproduit le texte et le moule biblique, parce qu'il répète le fait même que celui-ci traduit ; c'est la meilleure manière de s'exprimer, la plus dense et la plus naturel »[D 10]. Jean de la Croix s'est inspiré pour certains de ses poèmes des poésies de Juan Boscán et de Garcilaso de la Vega[D 9].

Ces poèmes cherchent à retranscrire son expérience spirituelle. Il les donne aux religieuses, et quand il les distribue, elles lui demandent une explication de ces poésies[D 10]. Jean de la Croix a écrit des explications en prose de ses poésies, et ces explications aboutissent aux quatre œuvres majeures de Jean de la Croix : La Montée du Carmel, La nuit obscure, La vive flamme d'amour et Le Cantique spirituel, qui mélange poésie et prose, donnant un style unique et d'une grande richesse doctrinale[D 11]. Ces quatre ouvrages qui cherchent à rendre compte de l'expérience personnelle de Jean de la Croix tout en l'expliquant contribuent à donner une dimension mystique à la poésie sanjuaniste, augmentant sa singularité au sein de la poésie espagnole. Sa poésie est considérée comme l'une des plus belles de la poésie espagnole. Paul Valéry voit dans les poèmes de Jean de la Croix des chefs d’œuvre de la littérature[C 47].

Traductions

La première traduction est faite à Bordeaux en 1610 par des prêtres séculiers mais elle n'a pas été publiée[C 48]. Les premières traductions publiées sont celles de René Gaultier, du Grand Conseil, en 1620, dans un français daté. Elles ont d'emblée une grande influence sur les spirituels : l'évêque Jean-Pierre Camus en 1624, les jésuites Lallemant, Surin, Rigoleuc en 1629 notamment s'y réfèrent[C 47].

La traduction du Père Cyprien, carme déchaussé, dans les années 1640-1660 est également notable. Plus de cent autres traductions existent. La traduction du Père Cyprien a été réactualisée par le Père Lucien, aussi carme déchaussé, dans les années 1940-1960.

Postérité

Reconnaissance par l'Église catholique

Reliquaire de Jean de la Croix à Úbeda, Espagne

La reconnaissance par l'Église catholique de Jean de la Croix a été assez rapide. Il est en effet béatifié dès 1675 par Clément X[34], puis canonisé en 1726 par Benoît XIII[A 64].

Au XVIIe siècle, des querelles théologiques, notamment entre Jacques-Bénigne Bossuet et Fénelon conduisent à considérer les écrits de Jean de la Croix comme engendrant l'illuminisme[A 64]. Cette querelle a pour conséquence de remettre en cause les écrits de Jean de la Croix.

Cependant, en 1891, plusieurs évêques demandent, lors du troisième centenaire de la mort de Jean de la Croix, de le proclamer Docteur de l'Église, mais cette demande n'aboutit pas[A 65].

C'est la découverte des écrits de Jean de la Croix par Thérèse de Lisieux, qui le décrit comme l'un de ses guides principaux : « À l'âge de 17 et 18 ans je n'avais pas d'autre nourriture spirituelle » confie-t-elle[A 64]. Elle affirme que Jean de la Croix est « le saint de l'Amour par excellence »[A 66]. La vision de Thérèse de Lisieux change la perception de Jean de la Croix. La reconnaissance rapide par l'Église de Thérèse de Lisieux et sa grande popularité, a conduit à reconsidérer la place des écrits de Jean de la Croix[A 64].

Jean de la Croix est ainsi proclamé Docteur de l'Église le 24 août 1926, deux siècles après sa canonisation, et un an après celle de Thérèse de Lisieux[A 67]. Il obtient alors le titre de « Docteur de la théologie spirituelle » et « Docteur mystique »[A 68].

Influences de Jean de la Croix

Influences spirituelles

Outre la reconnaissance par l'Église catholique de Jean de la Croix, ses écrits ont eu une très grande influence sur la spiritualité de nombreux théologiens ou grandes figures du christianisme.

En France, ses écrits ont eu une grande influence dans l'Église catholique à travers l'arrivée des carmélites et notamment de Madame Acarie, devenue Marie de l’Incarnation une fois carmélite[C 49]. Celle-ci est une personnalité influente du mouvement nommé « école de spiritualité française », autour de laquelle se réunissent de nombreux intellectuels catholiques, tels que Benoît de Canfield, Pierre Coton, André Duval, Vincent de Paul, le futur cardinal Pierre de Bérulle et le futur Docteur de l'Église François de Sales[C 50]. Cette influence de Jean de la Croix se poursuivit jusqu’à Blaise Pascal du fait de son cousin carme déchaussé[C 50].

Dans l'ordre du Carmel, outre Thérèse d'Avila, les écrits de Jean de la Croix ont eu une grande influence sur Thérèse de Lisieux, la carmélite Elisabeth de la Trinité ou Edith Stein, disciple d'Husserl, devenue religieuse sous le nom de Bénédicte de la Croix, et qui a écrit un ouvrage sur sa spiritualité intitulé La Science de la Croix[35],[36],[B 103]. Le Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, fondateur de l'Institut Notre-Dame de Vie, une communauté de spiritualité carmes, a été très influencé par les écrits de Jean de la Croix[37].

Jean de la Croix a eu aussi une forte influence auprès de religieux en dehors du Carmel, comme Charles de Foucauld et Thomas Merton, ce dernier l'étudie dans son ouvrage La montée vers la lumière[C 51],[B 103]. En 1929, le théologien Réginald Garrigou-Lagrange réalise une étude : L'Amour de Dieu et la Croix de Jésus dans laquelle il compare la théologie mystique de Thomas d'Aquin et celle de Jean de la Croix. Le théologien Hans Urs von Balthasar dans La Gloire de la Croix analyse la pensée de Jean de la Croix. Il considère que celle ci est une nouvelle théologie de l’esthétique, qui peut « affrontée à la Réforme allemande, répondre à la volonté des réformateurs de bannir l’esthétique de la théologie »[C 51],[38]. Karol Wojtyla, le futur pape Jean-Paul II, se dit très marqué par la spiritualité de Jean de la Croix, au point d'avoir voulu être carme. Il a notamment fait sa thèse de doctorat en théologie sur l'ouvrage La Montée du Carmel[39],[B 104].

L'expérience mystique de Jean de la Croix, ainsi que sa volonté de détachement ont conduit à établir des rapprochements entre sa spiritualité et celle du bouddhisme[B 48],[C 52].

Influences profanes

Dessin de la crucifixion, par Jean de la Croix, qui a inspiré Salvador Dali

Les écrits et la spiritualité de Jean de la Croix ont aussi suscité au cours des siècles l’intérêt de nombreux universitaires, comme le philosophe Henri Bergson qui étudie l’expérience mystique dans son ouvrage Les deux sources de la morale et de la religion[C 53]. Le philosophe de l'action Maurice Blondel, également penseur chrétien, a lui aussi étudié les écrits de Jean de la Croix. Jean Baruzi, dans sa thèse Saint Jean et le problème de l’expérience mystique, démontre la valeur pluri-culturelle des écrits de Jean de la Croix[C 54]. Jacques Maritain, philosophe, cherche à comparer la pensée scolastique avec celle de Jean de la Croix. Le philosophe Louis Lavelle analyse quant à lui dans ses écrits le rapport entre la conscience et l’expérience contemplative[C 54]. D’autres philosophes ont étudié Jean de la Croix, tels Jacques Paliard, Gaston Berger ou Aimé Forest[C 51].

Le carme Bruno de Jésus Marie réunit autour de lui des congrès au cours desquels il tente d’intégrer l'analyse psychologique et la théologie à travers les écrits de Jean de la Croix[C 47]. De même Michel de Certeau analyse dans la Fable mystique l'expérience spirituelle de Jean de la Croix à travers la psychanalyse[B 103].

Le poète Paul Valéry voit dans les poèmes de Jean de la Croix des chefs d’œuvre de la littérature. De même les peintres Alfred Manessier et Salvador Dali s’inspirent des dessins de Jean de la Croix dans leurs arts[C 47].

Enfin Maurice Béjart crée une œuvre d’opéra intitulée Noche Oscura, à partir de ses écrits[C 47].

Plusieurs poèmes de Jean de La Croix ont été mis en musique et interprétés par Pierre Eliane (Les chansons mystiques de Jean de la Croix, 1999).

Œuvres de Jean de la Croix

Ouvrages

Œuvres complètes

  • Jean de la Croix, Œuvres Complètes, « Préface » du Père Eulogio Pacho, artisan de l'édition critique BAC, trad. d'André Bord, Paris, Pierre Téqui, 2003 (Prix des écrivains catholiques); édition ayant bénéficié des progrès décisifs de l'édition critique espagnole.
  • Œuvres complètes, trad. de Mère Marie du Saint-Sacrement, Dominique Poirot (dir.), Paris, Cerf, 1990.
  • Poèmes, trad. de Benoît Lavaud, éditions Ivrea, Paris, 1986 [édition bilingue]

Pour approfondir

Bibliographie

  • Jean Baruzi, Saint Jean de la Croix et le problème de l'expérience mystique, Paris, (réimpr. 1931 rééd. revue et augm.)
  • Eugenio d'Ors, Estilos del pensar : : Menéndez y Pelayo - Juan Maragall - Juan Luis Vives - san Juan de la Cruz - Ricardo León, Madrid, Ed. y publicaciones españolas,
  • Max Milner, 'Poésie et vie mystique chez saint Jean de la Croix : préface de Jean Baruzi, Paris, Seuil,
  • Yvonne Pellé Douël, Saint Jean de la Croix et la nuit mystique, Paris, Seuil,
  • André Bord, Mémoire et Espérance chez Jean de la Croix : Préface de Henri Gouhier, Paris, Beauchesne,
  • Yvonne Pellé Douël, « Saint Jean de la Croix est-il féministe ? », Numéro spécial de Recherche et Vie, Bruxelles, CEFA, no 3,‎
  • Alain Delaye, La Foi selon Jean de la Croix, Avrillé, Éditions du Carmel,
  • Jean de la Croix (saint) - Chevallier, Philippe - Abbaye Saint-Pierre, Les Mots d'ordre, Solesmes (Sarthe), Édition de Solesmes, , 115 p. (ISBN 2-85274-018-4)
  • Crisogono de Jesus (trad. Père P. Sérouet), Jean de la Croix, Paris, CERF, , 416 p. (ISBN 978-2-204-01850-0)
  • André Bord, Pascal et Jean de la Croix, Paris, Beauchesne, , 327 p.
  • Pierre Dhombre, Pascal Croci, Jean de la Croix, aux sources du Carmel, Fleurus, coll. « Bande dessinée », , 1990 p.
  • Collectif, Dieu parle dans la nuit, Mediaspaul, , 388 p. (ISBN 978-2712203917)
  • André Bord, Jean de la Croix en France, Paris, Beauchesne, , 273 p. (ISBN 978-2701012902)
  • Jean-Yves Leloup, Jean de la Croix ou La nuit habitée, Thionville, Le Fennec, 1994
  • André Bord, Plotin et Jean de la Croix, Paris, Beauchesne, 1996
  • Siddheswarananda, Swami, Le yoga et saint Jean de la Croix pensée indienne et mystique carmélitaine, Albin Michel, coll. « Spiritualités vivantes poche », , 203 p. (ISBN 2-226-08621-8)
  • Crisogono de Jésus Sacramentado (carme déchaux) (trad. Marie-Agnès Haussièttre), Vie de Jean de la Croix, Éditions du Cerf, coll. « Histoire », , 540 p. (ISBN 2-204-05826-2)
  • André Bord, Les amours chez Jean de la Croix, Paris, Beauchesne, 1998
  • Pierre Gageac, Saint Jean de la Croix dans son voyage au bout de la nuit, Gabalda
  • Pierre Gouraud, La Gloire et la glorification de l'univers chez saint Jean de la Croix, Paris, Beauchesne, 1998
  • Michel Teston, De quelques poètes maudits et troubadours, éd. Teston, 07530 Antraigues, 2008
  • Huot de Longchamp, Max, Saint Jean de la Croix pour lire le docteur mystique : La vive flamme d'amour : introduite, traduite et commentée, Mers-sur-Indre (Indre), Édition du Carmel, coll. « Sources mystiques », , 245 p. (ISBN 978-2-84713-158-1)
  • Sagne, Jean-Claude, Lire et relire saint Jean de la Croix ces blessures qui font vivre, Toulouse, Édition du Carmel, coll. « Carmel vivant », , 197 p. (ISBN 978-2-84713-107-9)
  • Michel De Goedt, Le Christ de Jean de la Croix, Desclée, 1993

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Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Certains historiens avancent l’année 1540.
  2. Jean de la Croix confie à son frère Francisco, seul, l'une de ses expériences spirituelles à Ségovie, ou il affirme avoir entendu une voix, qu'il attribue au Christ, dans laquelle il lui aurait demandé ce qu'il voulait. Ce n'est que par le témoignage de Francisco que cet épisode de sa vie est connu, quand Jean de la Croix était religieux carme.
  3. L'adjectif « sanjuaniste » vient du nom espagnol San Juan qui signifie Saint Jean. On parle ainsi des écrits sanjuanistes pour parler des écrits de Saint Jean de la Croix.

Références

Principales sources utilisées
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Autres sources
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  2. Reproduction du tableau de Dali.
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  5. Chapitre I, Montée du Carmel
  6. Chapitre XV, Montée du Carmel
  7. Chapitre III, Montée du Carmel
  8. Titre du Chapitre 8 de la Montée du Carmel
  9. Montée du Carmel chapitre 14
  10. montée au Carmel, L.II. ch2
  11. a et b Montée du Carmel, chapitre 2
  12. a et b La Nuit obscure, chapitre 17
  13. a et b La Nuit obscure, chapitre 21
  14. a et b Montée du Carmel chapitre 8
  15. Livre d'Osée, 2, 20
  16. Cantique Spirituel, strophe 11
  17. a et b La Montée du Carmel, p. 86
  18. Montée du Carmel, chapitre 11
  19. Montée du Carmel, chapitre 27
  20. Poème VII de Jean de la Croix
  21. La Nuit obscure, chapitre 3
  22. Vive Flamme, strophe 3
  23. Poème VI de Jean de la Croix
  24. Cantique Spirituel B
  25. Cantique Spirituel B 9
  26. Cantique Spirituel, Sommaire
  27. Nuit Obscure, Livre 1, Chapitre 4
  28. La montée du Carmel, 2, 14, 2
  29. Cantique spirituel 28, 9
  30. La nuit osbcure, 2, 23, 11
  31. Cantique Spirituel 22,3
  32. Vive Flamme d'Amour
  33. Mentions dans les lettres de Thérèse d'Avila datant du 2 et 17 janvier 1577
  34. « Les trois saints du Carmel : Jean de la Croix », sur http://www.carmelitesdesaintjoseph.com/accueil/accueil.html (consulté le )
  35. Steven Payne, « Édith Stein et Jean de la Croix », dans Édith Stein, disciple et maîtresse de vie spirituelle, p. 90-91. Voir aussi la dernière édition allemande de Kreuzeswissenschaft
  36. Edith Stein, Thérèse bénie de la Croix, Revue du Carmel, no 49
  37. http://pme.notredamedevie.org/-Elements-biographiques-.html Biographie du père sur le site de l'Institut Notre Dame de Vie
  38. La Gloire de la Croix II, Théologie, Aubier, « De Jean de la Croix à Péguy » p.7
  39. George Weigel, Jean-Paul II Témoin de l'espérance, Editions JC Lattès, 1999 (ISBN 2-7096-2116-9) p. 82