Des artistes aux plateformes : le fric c'est chic : épisode • 1/3 du podcast L'économie fait ses gammes

L’artiste Ice Spice lors d’une cérémonie organisée par Spotify le 1er février 2024 à Los Angeles. ©AFP - Gonzalo Marroquin
L’artiste Ice Spice lors d’une cérémonie organisée par Spotify le 1er février 2024 à Los Angeles. ©AFP - Gonzalo Marroquin
L’artiste Ice Spice lors d’une cérémonie organisée par Spotify le 1er février 2024 à Los Angeles. ©AFP - Gonzalo Marroquin
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Alors que le marché de la musique enregistrée est dominé par les plateformes de streaming, à quels artistes profite cet hyperchoix musical ?

Avec
  • Sophie Maisonneuve Maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Paris Cité, spécialiste des pratiques d’écoute, membre du laboratoire CERLIS (Centre de recherche sur les liens sociaux)
  • François Moreau Professeur en économie à l’université Sorbonne Paris Nord, spécialiste des industries culturelles

En France, le marché de la musique enregistrée générait 397 millions d’euros au premier semestre 2023. Depuis la fin des années 2010, le secteur est dominé par les plateformes de streaming musical, comme Spotify ou Deezer. En proposant une offre musicale illimitée pour quelques euros par mois, ce tournant du numérique acte la chute des supports matériels (CD, vinyles …) et entame une ère d’omniprésence de la musique, un bien désormais accessible partout, tout le temps. François Moreau nous explique "né en 2006/2007, le streaming prend de l’ampleur à partir des années 2015/2016. Aujourd’hui, le numérique génère plus de deux tiers des revenus du marché français. Cela change notre manière de consommer la musique : on loue la musique, on a un accès illimité, on peut faire plus de découvertes pour des coûts quasi nuls. Par ailleurs, le streaming a repoussé les limites physiques du CD : on n’est plus limité par le nombre de CD qu’on peut disposer à la FNAC, maintenant il y a 70 millions de titres auxquels n’importe qui a accès" ; Sophie Maisonneuve ajoute "la 'possession' de la musique est devenue secondaire. Avec le streaming, la musique est présente à tout instant, partout, dans une logique d’accès. La transition a surtout été ressentie par des structures comme les médiathèques, qui ont dû redéfinir les budgets alloués à leur offre musicale. Pour les individus, la transition s’est faite plus facilement : aujourd’hui, on continue d’offrir l’album ou le vinyle pour un cadeau, ou comme des objets liés à souvenirs personnels. Le système de la playlist demeure un intermédiaire entre la logique de la possession et la logique de l’accès. C’est un répertoire figé, une mémoire qui est aussi l’image de soi-même".

Pourtant, cet hyperchoix musical n’encourage pas forcément l’émergence de nouveaux artistes. Par un jeu d’algorithmes et de classements, les plateformes favorisent les artistes déjà connus, et le poids des “gros” auditeurs dans le partage des recettes finales. Si la plupart des artistes ne comptent pas sur les revenus de la musique enregistrée pour vivre, ce phénomène empêche le fléchage de l’argent des abonnés vers les artistes qu’ils écoutent vraiment, et pose la question de la rémunération de la création. En septembre 2023, Deezer et Universal concluaient un partenariat historique pour un modèle de streaming centré sur l'artiste, François Moreau ajoute "ce partenariat est parti du fait que Deezer privilégie une approche 'user centric', où l’abonnement de l’auditeur est distribué aux artistes qu’il écoute vraiment. Cette approche faisait tiquer Universal, à cause de son impact négatif sur le top 10 des artistes, sur la musique urbaine et sur les nouveaux titres. En effet, ce genre de modèle bénéficie surtout aux titres qui ont plus de dix ans. Universal a donc poussé en faveur d’une approche 'artist centric', qui favorise les titres écoutés sans algorithmes"

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Dès lors, quelles solutions pour mieux rémunérer les artistes ? Faut-il taxer les plateformes, qui sont elles-mêmes déficitaires ? Et comment réglementer les réseaux sociaux, qui rendent visibles les artistes amateurs sans rémunérer justement les titres que leurs internautes diffusent ? Les labels ont-ils tous le même poids dans ce partage de la valeur ? Enfin, dans quelle mesure les plateformes et leurs classements sont-ils déterminants dans notre consommation musicale ?

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