Lycée sans portable : "Je vois des sourires parce qu'avant ils ne se regardaient pas", confie la proviseure

Élèves marchant dans le hall d'un lycée. Photo d'illustration. ©Getty - E+
Élèves marchant dans le hall d'un lycée. Photo d'illustration. ©Getty - E+
Élèves marchant dans le hall d'un lycée. Photo d'illustration. ©Getty - E+
Publicité

Faut-il obliger les élèves à déposer leurs portables à l’entrée des établissements scolaires ? Dans le Gard, le lycée Lucie Aubrac de Sommières a expérimenté depuis le début de l'année trois journées sans portable, où les 650 élèves ont pu s'essayer à ces "parenthèses déconnectées".

La ministre de l’Éducation nationale Nicole Belloubet a déjà plaidé pour une "pause numérique" dans les collèges, en dénonçant l’impact "dramatique" des réseaux sociaux sur les jeunes. Dans le Gard, le lycée Lucie Aubrac de Sommières expérimente une troisième journée sans portable avec les 650 élèves de l’établissement. Dès la première sonnerie, ils déposent un par un leur portable, en ce mois de mai, à l’entrée de leur salle de cours et déjà, certains élèves grimacent, ont peur de s'ennuyer. "On leur dit justement que c'est pour eux, explique la CPE du lycée, parce que le téléphone c'est vraiment un doudou pour eux, c'est vraiment une addiction."

"Des élèves abîmés dans leur façon de se concentrer"

C’est "un problème de santé publique", insiste David Cayuela, professeur de lettres depuis 25 ans, qui est à l'origine de ces journées sans portable. Les élèves se "bombardent le cerveau de vidéos TikTok", dit il, et ça laisse des séquelles : "J'ai commencé à voir il y a une dizaine d'années, une baisse assez évidente de l'attention, témoigne-t-il, les élèves ont été, je dirais, abîmés dans leur façon de se concentrer." Il décrit comment de bons élèves n'écoutent pas les réponses après avoir eux-mêmes posé une question, comment d'autres n'arrivent plus à lire, et peuvent même développer "une crise du langage".

Publicité

Pour inciter les élèves à davantage communiquer, des jeux de société du matériel de sport sont désormais à disposition. "Je vois des sourires, raconte Marie-Angèle Ligary, la proviseur du lycée, ce que je ne voyais pas avant parce qu'ils étaient sur leur portable et qu'ils ne se regardaient pas". "Certains disent que ça leur repose l'esprit", ajoute-t-elle.

"C'est bien parce qu'on peut être tous ensemble"

Quant aux élèves, Bénédict, 18 ans, dit s’être habitué à ne plus avoir son portable, Fanny, 16 ans, le vit bien, Lucas et Kylian, eux, se sont mis au ping-pong : "Quand on n'a pas de téléphone, c'est bien parce qu'on peut être tous ensemble", dit l'un des garçons, "plusieurs lycées devraient faire ça, je pense", ajoute l'autre. Le lycée Lucie Aubrac ambitionne de devenir progressivement le premier lycée de France sans portable.

Reportage Mathilde Vinceneux, édité par Carol Sandevoir