Que s'est-il passé lors de l'élection surprise en France ?

Jean-Luc Mélenchon n'a pas tardé à revendiquer la victoire

Crédit photo, ANDRE PAIN/EPA-EFE/REX/Shutterstock

Légende image, Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon n'a pas tardé à revendiquer la victoire après les premières projections.
  • Author, Paul Kirby
  • Role, BBC News in Paris

Personne ne s'attendait à cela. C'est un drame, certes, mais c'est un choc.

Lorsque les graphiques ont été diffusés sur toutes les grandes chaînes françaises, ce n'est pas l'extrême droite de Marine Le Pen et son jeune premier ministre en devenir, Jordan Bardella, qui étaient en passe de remporter la victoire.

C'est la gauche qui l'a emporté, et les centristes d'Emmanuel Macron ont fait une remontée inattendue, poussant le Rassemblement national (RN), parti d'extrême droite, à la troisième place.

Jean-Luc Mélenchon, le vétéran de la gauche, considéré par ses détracteurs comme un extrémiste, n'a pas tardé à proclamer la victoire.

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"Le président doit appeler le nouveau Front populaire à gouverner", a-t-il déclaré à ses partisans sur la place Stalingrad, insistant sur le fait que M. Macron devait reconnaître que lui et sa coalition avaient perdu.

Son alliance, élaborée à la hâte pour l'élection surprise du président Macron, comprend sa propre formation radicale, la France insoumise, ainsi que des Verts, des socialistes, des communistes et même des trotskistes. Mais leur victoire n'est nulle part suffisante pour gouverner.

La France va avoir un parlement sans majorité. Aucun des trois blocs ne peut former à lui seul une majorité absolue de 289 sièges sur les 577 que compte le Parlement.

Dès qu'il a pris la parole, M. Mélenchon s'est rendu sur une place beaucoup plus grande, la place de la République, pour fêter son succès avec une foule de 8 000 personnes, selon les chiffres de la police.

Pour les partisans du Rassemblement national, le champagne a rapidement tourné court lors de leur célébration ratée dans le bois de Vincennes, au sud-est de Paris.

Il y a une semaine à peine, tout le monde parlait d'une possible majorité absolue, et Marine Le Pen et Jordan Bardella parlaient encore de leurs chances quelques jours avant le vote.

Marine Le Pen a pris son courage à deux mains. "Il y a deux ans, nous n'avions que sept députés. Ce soir, le RN est le premier parti de France en termes de nombre de députés".

Lors de la dernière législature, ils avaient 88 députés et en ont aujourd'hui plus de 140, elle avait donc raison. Et aucun autre parti n'a plus de 100 députés, car les macronistes et le Front populaire sont tous deux des coalitions.

Jordan Bardella s'est plaint que son parti avait été mis en échec par des "alliances du déshonneur" contre nature, forgées par un "parti unique" composé du camp Macron et de la gauche. Il n'avait pas tort sur l'alliance contre nature, mais elle n'est que temporaire et de convenance.

Plus de 200 candidats qui se considéraient comme faisant partie d'un "front républicain" se sont retirés du second tour afin qu'un rival mieux placé puisse empêcher le RN de gagner.

Même la sœur cadette de Marine Le Pen, Marie-Caroline, n'a pas été en mesure d'offrir une lueur d'espoir dans sa propre bataille électorale autour du Mans.

Sa tentative d'entrer au Parlement a échoué à 225 voix près, battue par la candidate de M. Mélenchon, Elise Leboucher, après que la candidate de M. Macron se soit désistée.

Le taux de participation, de 66,63 %, a été le plus élevé pour un second tour parlementaire depuis 1997. Même si le vote du RN se maintenait, il devait cette fois faire face à des votes non RN souvent utilisés tactiquement pour créer un "barrage" ou un bloc contre lui.

Partout en France, le RN a perdu des seconds tours qu'il devait gagner.

Marie-Caroline Le Pen, membre du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN) et candidate au second tour des élections législatives, pose sa main sur une affiche de campagne à Brains-Sur-Gée, dans l'ouest de la France.

Crédit photo, JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP

Légende image, Marie-Caroline Le Pen n'a pas réussi à augmenter la représentation de sa famille au Parlement.

Certains de leurs candidats n'étaient pas très séduisants.

Il y a eu la femme qui a promis d'arrêter de faire des blagues racistes si elle était élue dans le Puy-de-Dôme ; et il y a eu le jeune homme mal équipé de Haute-Savoie, dans le sud-est, qui a participé à un débat télévisé avec son rival centriste et qui n'a pratiquement rien dit sur rien.

Ils ont tous deux perdu, mais ils ont reflété la grande avancée du RN dans les zones rurales.

Le RN a obtenu 32 % des voix - 37 % avec ses alliés de droite - et pour plus de 10 millions d'électeurs, un tabou a été brisé.

A Meaux, à l'est de Paris, le RN a gagné, mais de peu.

Après avoir voté, Claudine a déclaré que les gens qu'elle connaissait avaient tendance à ne pas admettre qu'ils avaient voté RN, sauf s'ils étaient avec des amis proches.

Claudine vote à Meaux avec son chien Zapie
Légende image, Claudine vote à Meaux, à l'est de Paris, avec son chien Zapie.

Avant le résultat prévu à 20 heures, les spéculations allaient bon train pour savoir si le Président Macron allait s'exprimer. La nouvelle s'est répandue qu'il s'était rendu à une réunion 90 minutes plus tôt.

Gabriel Attal, son Premier ministre assiégé, est finalement apparu pour donner la réponse du gouvernement.

Il y a quatre semaines, il était resté assis, le visage impassible et les bras croisés, face au président, alors que M. Macron dévoilait son plan électoral.

Il avait annoncé hier qu'il remettrait sa démission à son patron aujourd'hui dans la matinée, mais qu'il resterait en poste aussi longtemps que le devoir l'exigerait.

Le président Macron lui a demandé de rester à son poste "pour le moment".

M. Attal est censé s'envoler mardi soir pour une réunion de l'OTAN à Washington.

La France est entrée dans une période d'instabilité politique sans issue évidente. On a parlé de troubles dans les rues, mais seuls quelques incidents ont été signalés à Paris et dans des villes comme Nantes et Lyon,

Tous les regards sont désormais tournés vers le président, qui devra trouver un moyen de sortir de l'impasse.

La nouvelle Assemblée nationale doit se réunir dans dix jours, mais les Jeux olympiques de Paris commencent le 26 juillet et la France aurait bien besoin d'une période de calme.

Le journal de gauche Libération a résumé toute la nuit en titrant "C'est Ouf".

Pour eux, c'est un soulagement que les électeurs aient mis un terme à la course au pouvoir du RN. Mais cela signifie aussi en français familier : "C'est fou".