Des faits qui restent inexplicables

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Des faits qui restent inexplicables

Par

décryptage

Les inexplicables décalages horaires de la découverte du corps

Parmi les éléments nouveaux que nous avions révélés en 2007, figurait notamment le fait que le corps de Robert Boulin avait en réalité été découvert dans la nuit du 29 au 30 octobre 1979, entre une heure et deux heures du matin. Le Premier ministre, Raymond Barre est informé à trois heures du matin. Officiellement, le corps a été retrouvé à 8 h 40, avec un avis de recherche lancé à 6 h 25 du matin. Le Procureur général, lié aux réseaux Foccart, se rend personnellement sur place (voir précédemment). Le Premier ministre lui-même, Raymond Barre est prévenu un peu plus tard dans la nuit.

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Ecoutez un extrait de notre entretien avec Raymond Barre

(Entretien enregistré au dictaphone, la qualité sonore n’est donc pas très bonne) :

A trois heures du matin, on me téléphone. On me dit : « On vient de découvrir le corps de Monsieur Boulin qui s’est suicidé ».

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– Qui est-ce qui vous appelle directement ?

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__ Ecoutez, je ne sais pas. On ne peut pas vivre avec des quantités de détail de ce genre.

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– Le responsable de la police ? Christian Bonnet ?

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Mais non ! C’est mon collaborateur de garde qui est renseigné et qui me téléphone comme il doit me téléphoner surtout quand il s’agit d’un ministre, c’est pas ça qui compte que ça passe par Mr X ou Mr Y : je suis informé à 3 heures du matin ! __

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– Donc à 3 heures du matin vous savez que Robert Boulin est mort, qu’est-ce qu’on vous donne comme élément d’information ?

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Rien. On me dit qu’on l’a découvert, et qu’il s’est suicidé. C’est tout. Et après, on va me donner tous les détails.

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Raymond Barre

Affaire Boulin : nouveaux témoins (v1-p3) 7 (barre)

46 sec

Raymond Barre est mort en août 2007, à 83 ans. Il n’a pas été entendu dans la procédure judiciaire de l’affaire Boulin… « Son état de santé jusqu’à son décès ne permettait pas [son] audition » , a estimé le Procureur général Laurent Lemesle .

Le directeur de cabinet de Robert Boulin, Yann Gaillard, actuel sénateur UMP de l’Aube, explique lui-aussi avoir été prévenu à deux heures du matin de la découverte du corps de Boulin dans le bureau même du directeur de cabinet de Raymond Barre, Philippe Mestre.

Ecoutez un extrait (38 secondes) de notre entretien avec Yann Gaillard. (Entretien enregistré au dictaphone, la qualité sonore est médiocre) «__ Je suis convoqué à deux heures du matin, en pleine nuit, dans le bureau du directeur de cabinet du Premier ministre [Philippe Mestre] Et mestre me dit : « Vous êtes sûr que votre ministre n’est pas parti à l’étranger ? » Je lui dis : « enfin, écoutez, pourquoi à l’étranger, il n’avait rien à se reprocher », et à ce moment là, le téléphone sonne dans son bureau , il décroche : j’ai eu l’impression que son visage tombait comme un masque. Il dit : « On vient de trouver le corps ! » alors qu’il venait de me dire : « Il est parti à l’étranger » Manifestement, c’est un homme qui était saisi. Il ne s’attendait pas à cet évènement. »

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Yann Gaillard, directeur de cabinet de Robert Boulin, actuel sénateur UMP de l’Aube

Affaire Boulin : nouveaux témoins (v1-p3) 8 (gallard)

39 sec

Yann Gaillard raconte également cette scène dans son livre paru en 2000, Adieu Colbert (éditions Christian Bourgois), et la confirme sur procès-verbal, le 1er septembre 2005 : « le 30 octobre 1979 à deux heures du matin, Mr Mestre reçoit un appel téléphonique et son interlocuteur lui apprend que le corps du ministre vient d’être découvert. »

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Pourtant, le 15 novembre 2005, Philippe Mestre nie sur procès-verbal la scène décrite par Yann Gaillard , que ce dernier peut pourtant difficilement avoir inventé :

« Mr Gaillard ne s’est jamais retrouvé dans mon bureau le 30 octobre 1979 et ce n’est pas moi qui lui ai appris que le corps venait d’être découvert , déclare Philippe Mestre. En ce qui me concerne, c’est Mr Christian Bonnet, ministre de l’Intérieur, qui m’a téléphoné à mon domicile, au cours de cette nuit du 29 au 30 octobre 1979. Il me fait savoir que Mr Boulin a disparu, que des recherches sont en cours (…)

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L’objet de l’appel de Mr Bonnet avait pour but de me faire aviser le Premier ministre, ce que j’ai fais aux premières heures du matin. Par la suit, le corps a été très vite découvert. A aucun moment je ne me suis rendu cette nuit là à Matignon (…) Par contre, si Mr Gaillard a rencontré quelqu’un à Matignon, au cours de cette nuit là, il est possible qu’il se soit trouvé en présence de Mr Raymond Soubie qui, à l’époque, était conseiller des affaires sociales. »

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Une version démentie sur procès-verbal, le 4 janvier 2006, par Raymond Soubie , à l’époque conseiller social de Raymond Barre, aujourd’hui conseiller social de Nicolas Sarkozy :

« A deux heures du matin je ne pouvais pas prévenir Yann Gaillard, explique Raymond Soubie aux enquêteurs, puisque j’ai moi-même appris la nouvelle aux alentours de 9 heures du matin. C’est Philippe Mestre lui-même qui m’a appris la nouvelle. »

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Aucune confrontation ne sera organisée pour tenter de tirer au clair les dénégations de Philippe Mestre, le directeur de cabinet de Raymond Barre.

Conclusion du Procureur général, Laurent Lemesle : « il n’est pas interdit de penser que l’ancienneté des faits (28 ans désormais) ait fait se confondre dans les mémoires l’heure où les différents acteurs ont reçu l’annonce de la disparition inquiétante de Robert BOULIN et l’heure de l’annonce de la découverte de son cadavre. (…)Tout cela est trop incertain pour constituer un élément nouveau permettant la réouverture de l’information. » (p. 6)

En réalité, tous les témoignages concordent pour dire que le corps de Robert Boulin a bien été retrouvé vers 2 heures du matin. Il n’y a aucune confusion. Seul Philippe Mestre persiste à dire que tous les autres témoins se trompent. C’est pourtant sur son témoignage que va s’aligner le Procureur général…

Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christian Bonnet, jamais interrogé dans la procédure, nous avais également confirmé avoir été prévenu de la découverte du corps « vers deux heures du matin. », « trois-quatre heures » au plus tard, « en tous cas avant le petit matin. »

Ecoutez un extrait de notre entretien en 2007 avec Christian Bonnet (Entretien enregistré au dictaphone, la qualité sonore est correcte) « C’est mon directeur de cabinet, Mr Paolini [Jean Paolini], qui dans la soirée -minuit était passé- m’a appelé. Il était sur le même palier. Nous nous sommes retrouvés en pyjama, comme à chaque fois qu’on avait des « histoires de nuit ». Il me dit : « Voilà, Boulin a disparu » Immédiatement, on a lancé la PJ sur l’affaire , notamment Maurice Bouvier, qui était DCPJ à l’époque [Directeur central de la police judiciaire], qui était le grand patron. Il était le commissaire qui avait été chargé de faire l’enquête sur le Petit Clamar t [l’attentat du Petit-Clamart, contre le Général de Gaulle, le 22 août 1962]. On l’a lâché. Donc les recherches sont lancées immédiatement ? Ah sur le champ, oui . –Parce que dans la procédure l’avis de recherché est lancé à 6 h 25 du matin, en fait elles ont été lancées bien avant ? Bien sûr. Peut-être pensait-on que ce n’était pas la peine d’ébruiter une affaire si c’était une affaire de cornecul ! –A quelle heure vous avez l’information de la mort de Robert Boulin ? Entre deux et trois heures. –Au milieu de la nuit, vous savez que Boulin est mort ? Voilà. J’aurais pu aussi bien dire, entre trois et quatre heures…-En tous cas, avant le petit matin ? Ah oui !Pourquoi l’information n’est pas rendu publique tout de suite ? Pourquoi il faut attendre 8 h 40 pour dire officiellement que le corps est retrouvé ? Alors là… En toute bonne foi, en vous regardant bien dans les yeux, je ne peux pas vous dire. »

Christian Bonnet

Affaire Boulin : nouveaux témoins (v1-p3) 9 (christianbonnet)

1 min

A l’époque, un certain Claude Guéant faisait partie du cabinet de Christian Bonnet , comme « conseiller technique chargé des questions de sécurité ». Il est aujourd’hui secrétaire général de l’Elysée.

Références

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