Relations parasociales, nos amis imaginaires ?

Avec Elsa Godard, philosophe et psychanalyste, chercheuse à l'Université Gustave Eiffel et autrice, notamment de  Les vies vides : notre besoin de reconnaissance est impossible à rassasier publié aux éditions Armand Colin.

Des frontières de plus en plus flou entre le réel et le virtuel

Les relations parasociales, c'est ainsi qu'on appelle ces relations unilatérales dans lesquelles on se met à considérer une personnalité vedette ou influenceur Instagram comme un véritable ami, voire plus. Il faut dire qu'en nous ouvrant toujours plus grand les portes de leur vie privée à grand renfort de stories, les mettant en scène chez eux, les stars des réseaux créent les conditions idéales pour que leurs fans tombent dans le piège des relations parasociales. Quand on croit connaître quelqu'un et exister pour lui, alors qu'en fait, nous sommes juste un fan de plus. Pour Elsa Godard, l'avènement de la virtualité a créé un flou entre le réel et le virtuel : « C'est un phénomène de masse où ce n'est pas le peuple qui imite l'élite, c'est l'élite qui imite des phénomènes de masse. Par exemple, le selfie est parti d'un mouvement populaire qui a donné le sentiment que tout le monde peut accéder à cette place en ne faisant pas grand-chose, donc l'illusion est parfaite. Ce n'est pas tant qu'on a envie de côtoyer une star, on a envie d'être une star. »

Les origines de la relation parasociale

C'est en 1956 que cette notion est apparue, on la doit à deux sociologues américains, Donald Horton et Richard Wohl. Ils vont mettre un nom sur cette relation unilatérale qu'une personne développe envers une autre sans que cette dernière n'en soit consciente. Le titre de cet article est Communication de masse et interactions parasociales, observations sur l'intimité à distance. Nous n'avons pas donc attendu Instagram pour se faire croire à l'amitié d'une célébrité. Ces relations à sens unique se créent déjà par le biais de la télé et de la radio grâce à la médiatisation. Pour Elsa Godard, la relation parasociale existait même avant l'ère de la télé, on la retrouve déjà avec les dieux chez les Grecs : « Sous la forme de la prière, dans le contexte grec polythéiste où les dieux ont une implication dans la vie quotidienne, on a l'impression qu'ils surveillent chacun de nos mouvements, il y a un dieu pour quasiment chaque situation, on a l'impression d'être connecté avec eux du matin jusqu'au soir, qu'on est en dialogue avec eux. Par contre, là où il y a une vraie rupture, quand bien même cela a existé tout au long du XXᵉ siècle, ça a pris des formes très différentes. D'une manière générale, quand il y a quelqu'un qui est adossé à popularité, il y a quelque chose de l'ordre de la fascination. »

Une effraction dans le quotidien

La relation parasociale n'est pas une forme de sociabilité, c'est ce qui s'oppose à la société, c'est la négation. Pour Elsa Godard, ce qui a récemment changé, c'est qu'il y a une effraction dans le quotidien par le biais des réseaux sociaux et la culture de l'image : « On peut voir une personne dans son quotidien tous les jours. Il y a une influenceuse très connue aux États-Unis, Kyle Marisa Roth, qui vient de décéder et ça a été un drame pour tous ses followers, elle était suivie par 200 000 personnes. Quand on lit les commentaires des personnes qui ne la trouve pas sur TikTok, pour eux, c'est un effondrement. Elle faisait partie de leur quotidien, ce sont des gens qui la pleurent sincèrement. Ils ont l'impression de perdre un proche, c'est assez symptomatique et là où c'est intéressant, c'est que ce n'est pas tout à fait faux, il n'y a juste pas de réciprocité. »

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