Vice-Versa 2 nous parle d’anxiété et vise juste

Sorti le 12 juin 2024, Vice-Versa 2 rencontre un succès sans précédent à travers le monde en réalisant le meilleur démarrage de l'histoire pour un film d’animation. Et pour cause, ce sequel parvient à décortiquer les tourments des émotions de façon pédagogique et divertissante en touchant un public large.

Vice-Versa, l’anatomie des émotions

Avec Vice-Versa, les studios d’animation Pixar nous emmènent dans l’esprit d’une jeune fille nommée Riley. Là-bas, on y fait la connaissance des émotions fondamentales que sont la joie, la tristesse, la peur, le dégoût et la colère. Ensemble, elles sont censées influencer et réguler les actions de Riley sauf qu’elles ont tendance à se battre pour prendre le dessus à mesure que la jeune fille grandit et rencontre des difficultés. C’est le sujet du premier film qui met en scène Joie comme leader de ce petit groupe. Alors que Riley traverse une épreuve difficile, Joie perçoit Tristesse comme un fardeau inutile et tente de limiter son influence. Après de nombreuses aventures, on comprend que ces deux émotions sont d’une importance égale et que la tristesse est nécessaire au sentiment de joie.

Dans la suite qui vient de sortir, Riley a 13 ans et elle est sur le point d’entrer au lycée. La puberté pointe le bout de son nez et le groupe s’agrandit pour accueillir de nouvelles émotions au sein du poste de contrôle. *On découvre alors Anxiété, Embarras, Ennui et *Envie. **Alors que Riley se rend à un stage de hockey, elle apprend que ses meilleures amies intégreront un autre lycée et qu’elles seront séparées. Pour digérer la douloureuse information et éviter le pire, Anxiété prend le contrôle de son esprit et la pousse à se concentrer sur le sport afin d’intégrer l’équipe du lycée et d’impressionner ses membres. Convaincue que c’est la meilleure chose à faire pour assurer son futur, elle se débarrasse des anciennes émotions qui luttent pour retrouver leur place dans l’esprit de Riley.

C’est quoi l’anxiété ?

En intégrant de nouvelles émotions, les créateurs ont choisi de faire d’Anxiété l’antagoniste principale de ce nouveau film. Un choix pertinent quand on connaît l’importance croissante de cette émotion chez les jeunes et les moins jeunes. Selon  un sondage Ipsos, 49% des adolescents en France sont touchés par des troubles de l’anxiété. La période la plus dure pour ces derniers serait celle du collège puisque 30% des 13 -14 ans ferait l’objet d’un trouble anxieux généralisé. Mais il ne touche pas uniquement les plus jeunes. Selon l’ OMS , les troubles anxieux sont les troubles mentaux les plus courants dans le monde. En 2019, 301 millions de personnes en étaient atteintes.

Mais c’est quoi au juste l’anxiété ? Toujours selon l’ OMS, "les personnes présentant un trouble anxieux peuvent ressentir de la peur ou des inquiétudes excessives par rapport à une situation donnée ou, dans le cas du trouble anxieux généralisé, concernant un large éventail de situations du quotidien ". Les divers symptômes peuvent s’installer sur le long terme, être à l’origine de stratégies d’évitement et devenir handicapants au quotidien. Pour représenter au mieux l’anxiété, ainsi que les émotions qui habitent Riley, les créateurs de Vice-Versa se sont entourés de professionnels de la santé mentale avec qui ils ont échangé pendant près de quatre ans. Ensemble, ils ont travaillé sur les concepts scientifiques liés aux émotions, le ton des différentes voix et les expressions des visages pour un résultat aussi juste que réconfortant.

Une représentation juste

Quand Anxiété se présente aux autres émotions, elle apparaît comme un personnage plein d’énergie et volontaire. Ses yeux sont en permanence écarquillés et sa coupe de cheveux, explosive. On comprend vite qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration. Elle explique d’ailleurs rapidement que son rôle est de planifier le futur et d’anticiper chaque événements potentiels. Le personnage de Peur est assez vite charmé par cet objectif rassurant mais Anxiété affirme sa différence en expliquant que si Peur "protège Riley des choses qu'elle peut voir, son travail consiste à la protéger des choses qu’elle ne peut pas voir". Un beau résumé du trouble anxieux qui pousse à l’anticipation constante, et parfois extrême, de potentielles situations difficiles.

Dacher Keltner et Lisa Damour, les spécialistes qui ont travaillé sur le film, expliquent que vers 13 ans, soit l’âge de Riley, le développement cérébral nous permet de nous projeter et d'imaginer différents scénarios. À cette période, les adolescents deviennent plus sensibles au regard des autres. Par exemple, dans le film, Anxiété mobilise ainsi l’imagination de Riley pour fabriquer et projeter des possibles scénarios négatifs. Pour autant, elle n’est pas une antagoniste comme les autres, puisque son but est avant tout de protéger Riley. Comme l’émotion qu’elle incarne, elle n’est pas totalement négative puisqu’elle nous aide à anticiper, à corriger certaines attitudes et à prendre de meilleures décisions. Au final, elle permet à Riley de se dépasser et de faire de nouvelles rencontres.

C’est quand l’anxiété commence à prendre le contrôle de son esprit et à rejeter les autres émotions qu’elle devient problématique et néfaste. Le point culminant de cette prise de contrôle est la crise de panique de Riley durant laquelle Anxiété tourne si vite dans sa tête qu’elle en devient flou et insaisissable. Impossible à arrêter, elle isole la jeune fille du moment présent, des autres et de ses sentiments pour se transformer en une boule de stress qui impacte son corps. C’est l’intervention des autres émotions qui lui permettent de lâcher prise et de s’inscrire à nouveau dans le monde qui l’entoure.

Loin de stigmatiser l’anxiété comme étant un élément totalement négatif qu’il faudrait supprimer, le film en fait une émotion aussi nécessaire que les autres dans la construction du personnage principal. Comme son prédécesseur, Vice-Versa 2 nous montre donc que toutes les émotions sont essentielles, à condition qu’aucune n’éclipse les autres en prenant le contrôle de l’esprit. En cela, il vise juste et trouve un écho particulier auprès des jeunes spectateurs qui affirment s’y être reconnu. Un succès amplement mérité.