Production de vaccins : le Sénégal construit un grand "vaccinopole" alors que l'Afrique du Sud se heurte à une concurrence moins chère

Une femme préparant un vaccin en Afrique du Sud. - CHARDAY PENN / E+
Une femme préparant un vaccin en Afrique du Sud. - CHARDAY PENN / E+
Une femme préparant un vaccin en Afrique du Sud. - CHARDAY PENN / E+
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La France a accueilli jeudi 20 juin le Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinale en Afrique. L'objectif est de permettre au continent de disposer de plus de vaccins, mais il ne part pas de zéro puisque le Sénégal produit déjà des vaccins et l'Afrique du Sud ambitionne des projets de grands laboratoires.

Bâtir un "marché africain du vaccin", c'est l'ambition affichée par le président Emmanuel Macron, le 20 juin, lors du Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinale. Dans son discours, il a évoqué l' Afrique du Sud où la France soutient plusieurs laboratoires, alors que le Sénégal, dont le président Bassirou Diomaye Faye était présent au sommet, fait figure de pionnier dans la fabrication de vaccins.

L'Institut Pasteur de Dakar produit le vaccin contre la fièvre jaune depuis 1937, c'est même là qu'il a été découvert. Il est désormais l'un des quatre producteurs de ce vaccin agréés par l'OMS dans le monde, le seul en Afrique, or, c'est sur ce continent que la majorité des 200 000 cas annuels sont détectés.

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Le pays compte accélérer la cadence, puisqu'un grand "vaccinopole" est en train de sortir de terre dans la ville nouvelle de Diamniadio à 70 kilomètres de Dakar. Il devrait permettre d'abord de multiplier la production sénégalaise du vaccin contre la fièvre jaune, passant de 5 millions de doses annuelles, à 15 voire 30 millions selon les estimations à terme.

D'autres vaccins pourront être produits sur place, comme celui contre la rougeole et la rubéole, ou encore celui contre le choléra. Cette usine devait être mise en service courant 2024, mais l'Institut Pasteur n'a pas donné plus de détails sur le calendrier.

Le ministre de la Santé sénégalais, le Dr. Ibrahima Sy, a expliqué que ces fonds mobilisés par Gavi, l'organisation internationale créée afin d'assurer aux enfants vivant dans les pays les plus pauvres, un meilleur accès aux vaccins, vont "aider un pays comme le Sénégal à avoir un accès à beaucoup de types de vaccins, surtout pour les enfants."

Il estime que ça permettra de réduire les dépenses de santé, rappelant que lorsque le système de santé ne peut pas offrir de soins de qualité, la vaccination est encore plus nécessaire pour avoir moins de malades à soigner.

La France, partenaire privilégiée du Sénégal

Le président Bassirou Diomaye Faye a rappelé qu'investir dans la production de vaccins sur le continent est nécessaire, car il reste encore largement dépendant du reste du monde pour recevoir les doses nécessaires étant donné que l'industrie vaccinale ne fournit pour l'instant que 0,25% de l'offre mondiale selon lui.

Alors qu'on parle de plus en plus de repenser le partenariat entre la France et ses anciennes colonies, dont le Sénégal, dans le domaine vaccinal, la collaboration semble plutôt au beau fixe et c'est un domaine dans lequel les pays collaborent depuis longtemps.

Créé par un chercheur français en 1896, l'Institut Pasteur de Dakar est désormais une fondation sénégalaise qui fait partie du réseau Pasteur mondial. Parmi ses partenaires, on retrouve l'Agence Française de Développement, qui est d'ailleurs l'un des financeurs du futur "vaccinopole", à hauteur de 6,5 millions d'euros.

Les deux présidents, Bassirou Diomaye Faye et Emmanuel Macron se sont rencontrés pour la première fois le 20 juin, en marge du sommet à Paris et dans leur communiqué conjoint, ils ont exprimé une volonté commune de donner une nouvelle impulsion au partenariat entre les deux pays, basé sur le respect mutuel. Ils ont évoqué des projets de coopération communs pour encourager la souveraineté du Sénégal dans des domaines comme l'agriculture, la formation professionnelle et donc, la production locale de vaccins.

Au Cap, le laboratoire Afrigen continue le développement d'un vaccin à ARN messager à destination des pays à faible revenu. L'idée est de créer la formule d'un vaccin qui pourra être transféré à d'autres pays pour qu'ils produisent localement et à faible coût les doses. L'attention ne se porte pas seulement sur le Covid-19, mais sur d'autres virus et maladies comme le VIH, la dengue ou la tuberculose. La France est d'ailleurs un partenaire financier de ce projet.

Cependant, "le marché africain du vaccin" souhaité par Emmanuel Macron se heurte à une demande, qui n'est pas assez forte. Peu d'acheteurs se pressent pour acquérir les vaccins africains selon Stavris Nicolaou, représentant de l'entreprise pharmaceutique sud-africaine, Aspen. "La réalité, c'est que nous sommes à peu près dans la même situation qu'il y a trois ans. Les agences d'approvisionnement ne se fournissent pas encore chez les producteurs africains."

L'un des exemples criant de ce problème est que le gouvernement sud-africain a préféré se fournir en vaccins contre le pneumocoque chez un laboratoire indien, plutôt que d'acheter des vaccins au laboratoire sud-africain, semi-public, Biovac. Les doses indiennes étant trois moins chères.

L'indépendance vaccinale en Afrique est encore balbutiante, comme en témoigne l'épidémie de variole du singe en cours, en Afrique du Sud. 13 cas ont été recensés et deux personnes sont décédées, mais le pays n'a ni les traitements, ni les vaccins, qui sont assez rares à l'échelle mondiale. Les stocks étant dans les pays du Nord, le ministère de la Santé est donc obligé d'appeler ces pays aux dons.

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