Simone Veil, le courage politique

Simone Veil, ministre de la Santé, prononçant son discours sur le projet de loi en faveur de l'avortement, à la tribune de l'Assemblée nationale, 1974. ©Getty - Keystone-France
Simone Veil, ministre de la Santé, prononçant son discours sur le projet de loi en faveur de l'avortement, à la tribune de l'Assemblée nationale, 1974. ©Getty - Keystone-France
Simone Veil, ministre de la Santé, prononçant son discours sur le projet de loi en faveur de l'avortement, à la tribune de l'Assemblée nationale, 1974. ©Getty - Keystone-France
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Laure Adler nous raconte la vie et les combats de celle qui aura marqué la politique du XXe siècle. Cette femme juive anciennement déportée a été notamment une fervente militante des droits des femmes.

"Je ne veux pas avoir un propos trop pessimiste. Mais il y a tout de même beaucoup de combats à mener. Et, pour ces combats, ce sont les exemples les plus terribles du passé qu’il faut garder en mémoire. Il faut savoir que les choses vont très vite, que les engrenages mènent tout de suite très loin et que l’intolérance, la haine, le mépris et, surtout la mise au pilori de certaines populations pour telle ou telle raison ne peut que mener au désastre." Simone Veil

L'enfance puis la déportation

Simone Veil est née à Nice de parents juifs, laïcs, républicains et patriotes. Pour les Jacob, la laïcité est de règle depuis des générations. Son grand-père avait précisé qu’il ne voulait pas d’enterrement religieux. À cinq ans, une petite fille dans la cour de l’école traite Simone de sale juive et lui dit que sa mère va brûler en enfer. Elle revient à la maison en larmes mais ne reçoit guère d’explications. Les parents de Simone sont des juifs assimilés et l’antisémitisme qui règne alors en France dans les années 30 n’est guère pris au sérieux.

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Simone a été déportée en 1944, à Auschwitz-Birkenau, avec sa mère et sa sœur. Elle fait partie des plus jeunes et ne sera jamais séparée de sa mère ni de sa sœur ce qui, dira-t-elle, “constituera une force et une chance durant ces mois où elle affectée à des travaux de terrassement aussi épuisants qu’inutiles.” L’amitié avec Marceline Loridan et Ginette Kolinka lui donnera la force morale, et l’énergie physique de vivre, vaille que vaille, pour supporter l’effroyable ambiance qui règne dans le camp, la pestilence des corps brûlés, la fumée qui obscurcit le ciel en permanence, la boue partout, l’humidité des marais. Simone, sa mère et sa sœur vont changer plusieurs fois de camp. Sa mère meurt. Sa sœur et elle survivent. Son père et son frère n'ont pas survécu non plus. Le retour à Paris sera une nouvelle épreuve. Personne n’attend les survivants, personne ne veut les écouter. C’est pour cela qu’ils se taisent. Les déportés dérangent. Simone confiera à quel point elle en a été affectée.

Recueillie chez une tante et un oncle, Simone Veil se demande si elle va travailler ou reprendre des études, et pense à sa mère qui avait été si blessée de n'avoir pas pu les terminer et de dépendre financièrement de son mari. Elle apprend qu’elle a été reçue à son baccalauréat passé la veille de son arrestation. Depuis son adolescence, elle a un objectif : étudier le droit pour devenir avocate. Elle s’inscrit à Sciences Po et à la fac de droit. Étudiante brillante, elle demeure timide, repliée sur elle-même et ne fréquente pas, comme la plupart de ses camarades, le soir, les caves de St Germain.

Elle se marie ensuite à Antoine Veil, avec qui elle a trois enfants. Puis elle veut reprendre ses études et veut passer le barreau, mais son mari s'y oppose. Simone Veil renonce à être avocate pour devenir magistrate. Elle deviendra, plus tard, ministre de la Santé, en 1974.

Son combat pour la loi sur l'IVG

Simone Veil, avant même de devenir ministre, est très sensibilisée à la question de l'avortement ; d’abord en tant que femme mais aussi en tant que magistrate : très choquée des drames qu’elle avait eus à connaître, elle avait été témoin de la violence de certains juges contre des médecins poursuivis pour avoir fait des avortements clandestins.

Simone et son équipe préparent l’élaboration du texte de loi. Elle consulte beaucoup : Gisèle Halimi, qui l’année précédente avait gagné le procès de Bobigny mais aussi des associations militantes. Elle compare les législations européennes. Très vite, elle décide que ce sera aux femmes elles-mêmes de décider si elles veulent avorter, et non à une commission de statuer. Cette liberté qu’ont les femmes à décider de ce qu’elles veulent faire de leur vie, on la doit à la radicalité de Simone Veil qui, à cette période, se montre valeureuse, audacieuse, engagée.

Lucien Neuwirth avait préparé le terrain en 1967 en faisant adopter une loi sur la régulation des naissances autorisant la légalisation de la contraception à certaines conditions. Il fut traité de fossoyeur de la France par ses nombreux ennemis. Simone donc était préparée. En fait, elle se croyait préparée car la vague de violence qu’elle va subir sera beaucoup plus grande qu’elle ne l’imaginait. Elle y croit, elle y va comme une guerrière, elle se sent prête.

Le texte, promulgué le 17 janvier 1975, n’est valable que pour cinq ans. Après une seconde adoption quatre ans plus tard grâce à Monique Pelletier puis l’adoption de plusieurs dispositions pour mieux garantir ce droit, la constitutionnalisation au printemps 2024 consacre une immense victoire législative dont Simone Veil fut l’initiatrice. Ne l’oublions jamais.

-> Pour en savoir plus, écoutez cet épisode de "Femmes d'exception"...

BIBLIOGRAPHIE

  • Une vie, de Simone Veil (Stock)
  • Les Hommes aussi s'en souviennent : discours du 26 novembre 1974, suivi d'Un entretien avec Annick Cojean (Stock)
  • Seul l’espoir apaise la douleur, de Simone Veil (J’ai lu)
  • L’aube à Birkenau, de Simone Veil avec David Teboul (Pocket)
  • Simone Veil ou la force d'une femme, d’Annick Cojean (Steinkis éditions)

ÉQUIPE

  • Production : Laure Adler
  • Réalisation : Séverine Cassar
  • Mixage : Basile Beaucaire et Cédric Diallo
  • Attachée de production : Emmanuelle Fournier
  • Coordination : Fanny Bohuon

Merci à la documentation d’actualité de Radio France et à l’INA

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