Mathieu Belezi : "En un an, j’ai eu ce qu’un éditeur espère avoir en 20 ans"

Mathieu Belezi, invité de la Matinale de France Inter le mardi 5 mars 2024 ©Radio France - Grégoire Nicolet
Mathieu Belezi, invité de la Matinale de France Inter le mardi 5 mars 2024 ©Radio France - Grégoire Nicolet
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Mathieu Belezi, invité de la Matinale de France Inter le mardi 5 mars 2024 ©Radio France - Grégoire Nicolet
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Albert Camus écrivait dans un livre ; "La noblesse du métier d'écrivain est dans la résistance à l'oppression, et donc au consentement à la solitude". Cette phrase convient à la définition du travail d’écrivain que se fait Mathieu Belezi.

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Un roman fulgurant vendu à 100 000 exemplaires

C’est une belle histoire que celle de Mathieu Belezi. Cela fait 25 ans qu’il écrit de la littérature. Il a publié une quinzaine de romans qui n’avaient jusqu’alors jamais dépassé un cercle d'initiés et quelques très bonnes critiques admiratives de son style. À côté, pour gagner sa vie, il faisait des petits boulots : il plante du tabac, vend des pierres tombales, donne des cours d’histoire. Et puis il y a un an, un livre refusé par quatre éditeurs reçoit le Prix du Livre Inter, Attaquer la terre et le soleil publié chez Tripode qui a bouleversé le jury l’année dernière. C’est un roman fulgurant sur les débuts de la colonisation en Algérie qui s’est vendu à 100 000 exemplaires et a été traduit dans plusieurs langues. Mathieu Belezi a même eu les honneurs du New York Times qui a écrit : « Un romancier écrivant sur la colonisation trouve enfin un public en France : « En un an, j'ai eu ce qu'un éditeur espère avoir en 20 ans. Et en même temps, il y a une autre partie de moi qui a plus de mal à vivre ce succès. Ça me rappelle une citation du peintre Nicolas de Staël : "Depuis que ça se vend, c'est foutu. J'avais mon univers et ma solitude et je l'ai perdue. J’aimerais revenir en arrière, n'être plus rien pour les autres et tout pour moi-même". C’est vrai que depuis un an, je n’ai pas écrit, ça va revenir, mais ça m’a vraiment fait sortir de mon univers. »

Un sujet très peu abordé et pourtant essentiel

Mathieu Belezi explique qu’avant le succès de ce livre, il ne comprenait pas le manque de réaction du public : « Quand je me relisais, je me disais que j’avais fait une œuvre qui vaut ce qu'elle vaut, mais je ne comprenais pas pourquoi il y avait aussi peu de réactions par rapport à un sujet qu'on a si peu traité et qu'on devrait absolument aborder. » Dans ce livre, il y a le sujet, celui de la colonisation et aussi un style. Cette œuvre, a décidé son éditeur à publier un ancien ouvrage.

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La sélection du Prix du Livre Inter
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La réédition d’un de ses anciens romans

Frédéric Martin, de la petite maison d'édition, Le Tripode, a republié un ancien roman aujourd'hui introuvable. Un texte que Mathieu Belezi a retravaillé et scindé en deux livres, Le Temps des crocodiles, illustré par les peintures de l'artiste Camel Chétif et Moi le Glorieux, autour d'un même personnage, le monstrueux colon en Algérie, Albert Vandel. Le premier livre, c'est Albert Vandel dans l'âge d'or de la colonisation, le deuxième Moi, le Glorieux se passe en plein effondrement de l'Algérie française. Il résiste seul dans sa forteresse pour ne pas tout perdre : sa maison, ses terres, sa vie. On retrouve le style incandescent, démesuré, baroque de Mathieu Belezi : « Le centenaire de l'Algérie coloniale se retrouve au centre du roman. C'est une période extraordinaire. Il y a un racisme et des discours absolument ahurissants. Le président de la République est venu pour ce centenaire, pendant six mois, il y a eu des commémorations. On a même construit un monument à la gloire de la colonisation qui faisait 40 mètres de long. »

La figure d’Albert Vandel au centre de ce livre

Dans ce roman, on suit Albert Vandel, un riche colon qui affirme avoir 145 ans et peser 150 kilos. L'homme est un véritable monstre, un vrai. Pour l’éditeur de Mathieu Belezi, c’est un roman sidérant sur l'effondrement de l'Algérie française et la folie d'un homme. Un Apocalypse Now qu'on n'aurait jamais pu imaginer sortir un jour de l'imaginaire d'un auteur français. À la lecture, on pense aussi à des personnages de Shakespeare, à Richard III. On suit un personnage excessif, démesuré, taré, qui est en train de tout perdre et qui se recroqueville en disant "Vous ne m'aurez pas, je resterai là" : « Lui donner 145 ans, ça me permettait de revenir sur toute la période de la colonisation. Pour faire parler ce personnage absolument monstrueux, je me suis inspiré de trois colons qui ont vécu dans les dernières périodes de l'Algérie coloniale ; Henri Borgeaud, Laurent Schiaffino et Georges Blachette qui étaient les trois colons les plus riches d'Algérie. Ils ne voulaient pas que ça bouge parce qu'évidemment, ils se remplissent les poches. »

L’Algérie, une colonisation du peuplement

Pour Mathieu Belezi, il ne faut pas oublier que l’Algérie est une colonisation de peuplement. L’Algérie laisse encore des plaies béantes, son histoire de l’Algérie française concerne de près ou de loin un Français sur sept, c’est 9 millions de Français et autant de versions et de manières de vivre les faits.

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

L'invité de 8h20 : le grand entretien
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