Hannah Arendt, la dénonciation des totalitarismes

Hannah Arendt, 1949. ©Getty - Fred Stein Archive
Hannah Arendt, 1949. ©Getty - Fred Stein Archive
Hannah Arendt, 1949. ©Getty - Fred Stein Archive
Publicité

Laure Adler nous raconte la vie et l'œuvre d'Hannah Arendt, politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine, notamment révérée pour ses analyses politiques tranchantes.

Hannah Arendt est une enfant de la bourgeoisie juive assimilée de Königsberg. Elle a appris par des réflexions antisémites proférées par des enfants dans la rue qu’elle était juive.

Son père, qui lui a appris à lire et lui a donné le goût des livres, meurt très jeune d’une maladie honteuse, la syphilis. Élevée par une mère dans l’amour de la poésie, de la littérature et du socialisme, elle restera très proche d’elle jusqu’à son dernier souffle. Hannah est une enfant très douée mais rétive à la discipline scolaire. Adolescente, elle est renvoyée de son lycée de Königsberg pour avoir organisé le boycott d’un professeur. Elle part alors pour Berlin et passe en 1924 l’équivalent de son baccalauréat en candidate libre avec un an d’avance. Elle a déjà étudié Kant et s’intéresse à Kierkegaard. Elle ne s’intéresse qu’à la philosophie et, ce, depuis l’âge de quatorze ans. C’est une évidence.

Publicité

Désir de comprendre. Nécessité de mettre en perspective. Désir aussi d’élucider ce que signifie vivre et quelles sont les conditions pour vivre ensemble. C’est cette soif inextinguible de comprendre qui nous touche et ce sont les éclairages qu’elle a pu donner aux tragédies qu’elle a eu à affronter qui nous nourrissent, aujourd’hui encore, en ces temps où les autoritarismes renaissent. Elle qui ne se pensait ni philosophe ni historienne a écrit une somme de 2000 pages sur les origines du totalitarisme en trois volumes : l’antisémitisme, l’impérialisme, le totalitarisme. Croisant les disciplines de l’histoire et de la philosophie, elle est la première à tenter de comprendre les mécanismes, les origines, les fonctionnements du totalitarisme et forge son concept d’État totalitaire visant à la fois le nazisme et le stalinisme.

Une travailleuse forcenée

« Vous m’interrogez sur les effets de mon travail sur les autres. Si je puis me permettre une pointe d’ironie, c’est là une question d’homme. Les hommes se soucient toujours d’avoir de l’influence mais, moi, cela m’est assez extérieur. Est-ce que je me vois avoir une influence ? Non. Je veux comprendre. Et si les autres comprennent – dans le même sens que j’ai compris moi-même – j’en retire un sentiment de satisfaction, comme lorsqu’on est bien chez soi. »

Celle qui répond aux questions du journaliste allemand Gunter Gaus à la télévision allemande a, à l’époque, soixante-quatre ans. Ses livres les plus importants ont été traduits en plusieurs langues et elle est reconnue par le monde universitaire ainsi que par des étudiants qui connaissent son œuvre aux États-Unis mais aussi en Europe. Et pourtant, elle nous dit le peu de cas qu’elle fait de sa notoriété et affirme haut et fort ne pas être philosophe mais être une théoricienne politique. Ce n’est pas pour elle une manière de se défausser, de s’inférioriser et, encore moins, de jouer aux fausses modestes.

Entourée de grands intellectuels qu’elle admirait et aimait, Hannah a toujours eu d’elle-même une image de travailleuse forcenée sans éclat de génie, une inventeuse de concepts un peu laborieuse, une penseuse de l’évènement. La pensée sera sa grande affaire. Elle pensait tout le temps et appelait cela ironiquement le thinking business. Elle pensait sur TOUT avec une ironie constante, un caractère culotté, une indépendance d’esprit ce qui fait qu’on l’admirait mais que certains la craignaient.

Aujourd’hui, ses positions, ses manières de raisonner, ses conceptions du monde éclairent notre monde tourmenté et elle nous aide à analyser et à mettre en perspective des sujets aussi importants que la banalité du mal, ce que veut dire être réfugié, et comment on peut encore construire un monde qui nous soit commun.

De plus, sa personnalité était solaire, grande amoureuse de textes philosophiques mais aussi d’hommes et elle vouait un culte à l’amitié, féminine comme masculine.

Pour en savoir plus, écoutez cet épisode de "Femmes d'exception"...

ŒUVRES DE HANNAH ARENDT

  • L’humaine condition (Quarto Gallimard)
  • Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem (Quarto Gallimard)
  • Journal de pensée (Seuil)
  • La vie de l’esprit (PUF)
  • Et aussi Dans les pas de Hannah Arendt, de Laure Adler (Ed. Gallimard, 2005)

ÉQUIPE

  • Production : Laure Adler
  • Comédienne : Audrey Bonnet
  • Mixage : Basile Beaucaire et Cédric Diallo
  • Réalisation : Séverine Cassar
  • Attachée de production : Emmanuelle Fournier
  • Coordination : Fanny Bohuon

Merci à la documentation d’actualité de Radio France et à l’INA

L'équipe

pixel