Simone Weil, le courage de la pensée

Simone Weil, durant la Guerre d'Espagne, 1936. ©Getty - Apic
Simone Weil, durant la Guerre d'Espagne, 1936. ©Getty - Apic
Simone Weil, durant la Guerre d'Espagne, 1936. ©Getty - Apic
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Simone Weil était une grande philosophe française. Laure Adler nous raconte sa vie, ses idées et ses combats. Elle meurt le 24 août 1943 d’une défaillance cardiaque. Elle a trente-quatre ans. Sa vie intellectuelle ne fait que commencer.

« Le moment prévu depuis longtemps est arrivé, où le capitalisme est sur le point de voir son développement arrêté par des limites infranchissables. De quelque manière que l’on interprète le phénomène de l’accumulation, il est clair que capitalisme signifie essentiellement expansion économique et que l’expansion capitaliste n’est plus loin du moment où elle se heurtera aux limites même de la surface terrestre. Et cependant jamais le socialisme n’a été annoncé par moins de signes précurseurs. Nous sommes dans une période de transition. Mais transition vers quoi ? Nul n’en a la moindre idée. » Simone Weil

Ces mots datent d’août 1933. Ils ont été écrits par une jeune femme de vingt-quatre ans dans un journal qui s’intitulait "Révolution prolétarienne". Ils nous paraissent aujourd’hui prémonitoires et profonds, quasi visionnaires.

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La vie de Simone Weil

Née dans un milieu bourgeois de Juifs assimilés, Simone est élevée dans une grande liberté. Ayant eu dès l’enfance des problèmes de santé, ses parents acceptent qu’elle suive des cours à sa guise à la maison. Impressionnée par son frère André – de trois ans son aîné –, véritable génie scientifique qui deviendra grand mathématicien, elle se vit durant son enfance et son adolescence comme incapable et médiocre jusqu’au moment où elle rencontra la philosophie.

Après son agrégation de philosophie, elle enseigne au Puy pendant deux ans, avant d’être mutée à Auxerre et est engagée dans la cause du syndicalisme et la défense de la classe ouvrière. Simone Weil pense sincèrement que son travail de professeure est complémentaire de son travail de militante. Pour elle, l’accès au savoir est indispensable pour développer une conscience critique et l’éducation des élèves de la bourgeoisie comme celle des ouvriers et des chômeurs ne sont qu’une seule et même mission : réaliser l’égalité entre les classes.

Simone de Beauvoir qui était sa condisciple la remarque très tôt : « Elle m’intriguait à cause de sa grande réputation d’intelligence… Une grande famine venait de dévaster la Chine et on m’avait raconté qu’en apprenant cette nouvelle elle avait sangloté ; ces larmes forcèrent mon respect plus encore que ses dons philosophiques. »

Entre autres choses, elle travaillera à l'usine pour comprendre physiquement et psychiquement ce que travailler en usine veut vraiment dire. Elle sera volontaire pour s'engager sur le front de la Guerre d'Espagne. Nommée commissaire à la direction de l’intérieur du gouvernement en exil constitué par De Gaulle, elle sera en charge d’écrire des textes sur la France future et d’examiner et ceux qui émanent de résistants agissant en France.

Son héritage, aujourd'hui

Aujourd’hui, les jeunes générations la redécouvrent. L’acuité de ses analyses du monde contemporain, son empathie pour les révolutions, son courage physique et moral, sa compréhension dès leurs débuts, des totalitarismes, sa connaissance de l’histoire des religions, son engagement pendant la guerre d’Espagne auprès des anarchistes puis sa détermination à rejoindre Londres pour travailler auprès du Général de Gaulle, nombreuses sont les raisons de l’admirer, de mieux connaître son œuvre – La Pesanteur et la Grâce ainsi que son journal d’usine sont les plus connus – et de s’y replonger pour tenter, avec ses outils, d’élucider nos temps actuels incertains.

Certains ont essayé de se l’approprier au nom de la religion catholique ou d’un libéralisme réactionnaire. Ils n’ont pas réussi, tant sa pensée est rétive à tout encagement idéologique, tant la force de sa liberté et la lucidité de ses raisonnements rendent impossible toute récupération. Astre solitaire et génial du XXe siècle, elle n’a pas encore délivré tous ses secrets, puisque malgré une vie courte – elle mourra à trente-quatre ans – elle laissera des milliers de pages dont certaines demeurent encore inédites.

Sa pensée nous éclaire et nous donne de la force. Elle est comme un fanal dans les passes difficiles, que ce soit pour comprendre la dureté du travail, la grande solitude ou les tragédies du monde. Plus le temps avance qui nous sépare de sa mort, plus ses analyses nous paraissent pertinentes, notamment sur le sujet de la décolonisation et de la souffrance de la classe ouvrière. Prophète, sûrement pas – elle aurait détesté ce mot mais voyante extra lucide des déchirures de son temps qu’elle a si bien analysé, Simone Weil possédait un côté mystique. Elle était une chercheuse de l’infini et une théoricienne de la souffrance de la révolte.**

-> Pour en savoir plus, écoutez cet épisode de "Femmes d'exception"...

LIVRES DE SIMONE WEIL

  • Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale (Payot)
  • La pesanteur et la grâce (Gallimard)
  • La condition ouvrière ; L'Enracinement ou Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain (Payot Rivages)
  • Journal d’usine (Rivages poche)
  • Œuvres complètes, sous la dir. d'André-A. Devaux et Florence de Lussy, Gallimard
  • Œuvres (Quarto, Gallimard)

À LIRE ÉGALEMENT

  • Simone Weil, l’insoumise, de Laure Adler (Ed. Actes Sud, 2008)
  • La vie de Simone Weil, de Simone Pétremont (Fayard, 1997)

ÉQUIPE

  • Production : Laure Adler
  • Réalisation : Séverine Cassar
  • Comédienne : Judith Chemla
  • Prise de son : Eric Boisset
  • Mixage : Basile Beaucaire et Cédric Diallo
  • Attachée de production : Emmanuelle Fournier
  • Coordination : Fanny Bohuon

Merci à la documentation d’actualité de Radio France et à l’INA

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